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nécessairement des facteurs de paix, et leur amitié serait un premier pas vers la réduction de ces armemens que l’empereur de Russie en 1898 a justement dénoncés comme un fardeau écrasant qu’il est de plus en plus difficile aux nations de supporter. »

Le rapprochement est donc désirable, il est possible : il faut qu’il soit. C’est cette conviction et cette volonté qui allaient soutenir l’effort de M. Barclay jusqu’au jour où, voyant l’œuvre accomplie, il se plaira, la plume à la main, à rappeler la part qu’il y a(prise et à retracer les phases par où il l’a vue passer.


Nul ne méconnaît aujourd’hui l’importance internationale des questions économiques, et M. Barclay était mieux placé que personne pour en tenir compte. En 1882, il était élu secrétaire de la Chambre anglaise de commerce de Paris, dont il devait devenir plus tard vice-président, puis président. À ce moment, la grande question était encore celle du traité de commerce anglo-français. Le traité de 1860 avait été une œuvre de coopération où les gouvernemens d’Angleterre et de France s’étaient montrés résolus de part et d’autre à faire disparaître, autant qu’il était en leur pouvoir, les obstacles artificiels à leurs rapports commerciaux. Des négociations, engagées en 1877, avaient échoué, comme elles allaient échouer de nouveau après une reprise en 1881. Cette date marque d’ailleurs, dans les rapports franco-anglais, l’ouverture d’une période de tension, pleine de difficultés et de malentendus. La visite des marins russes elle-même, en 1893, put être interprétée par le public parisien, sinon français, comme le signe d’une entente contre l’Angleterre avec l’ennemi de l’Angleterre en Asie. L’Angleterre était pareillement l’ennemi de la France en Asie, dans le Levant et en Égypte. Bref, la Russie et la France avaient un ennemi commun. De là leur rapprochement.

La suite des faits a suffisamment montré combien cette manière d’envisager les choses était inexacte, puisque l’alliance franco-russe devait aboutir, au contraire, à la Triple Entente. Dès 1894, Lord Dufferin, ambassadeur d’Angleterre à Paris, avait suggéré à M. Hanotaux, alors ministre des Affaires étrangères, qui avait fait à cette suggestion un accueil cordial, l’idée de provoquer dans les deux ministères un essai de règlement