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Metz et l’investissement de Paris. Dès le 19 septembre, quinze jours après la proclamation de la République, Paris était assiégé.

Nohant, si bien dérobé qu’il fût en apparence à la marche de l’envahisseur (que rien ne pouvait guère tenter de ce côté), n’en était pas moins aussi menacé que toute autre bourgade, lorsque l’on annonça la marche des Allemands sur Vierzon, sur Bourges, sur Issoudun. Alors le foyer de George Sand n’est plus qu’un de ces innombrables foyers de France où, à la même date, des parens tremblent pour leurs enfans, des amis pour leurs amis exposés ou combattans ; où, d’heure en heure, on guette du journal local, de la dépêche officielle affichée à la mairie, du message tombé d’un ballon ou porté par un pigeon voyageur, le signe d’une amélioration dans le pire, le symptôme avant-coureur d’une espérance.

George Sand, dans ces sombres heures, conserve sa lucidité. Elle voit très bien que tout le danger ne vient pas de l’envahisseur. Il y a les bandes noires, ces malfaiteurs sinistres qui de tout temps ont trouvé dans les malheurs publics une occasion de pillages privés ; il y a les épidémies ; il y a enfin, en l’absence d’hommes, la misère, la disette sous toutes ses formes, disette de vivres, disette d’argent. George Sand, qui ne thésaurisait guère, trouva cependant moyen de faire tenir à un ami une bonne somme pour les blessés, et cette première offrande fut suivie de mainte autre plus cachée, que depuis lors a révélée telle correspondance particulière. La situation du foyer était cependant précaire. Un seul homme à la maison, Maurice, à peine relevé d’une maladie grave, et chargé de la responsabilité du bourg, puisqu’il en était le maire. Autour de Nohant, de ce château rural qui était l’âme du petit pays, une population ou consternée ou affolée ; des récoltes très compromises, la famine en perspective, le besoin partout ; avec cela, la défense locale, — ou du moins un service d’ordre et de main-forte, — à organiser. Le village de Nohant-Vic n’a que des pompiers., On essaie de transformer ces pompiers en soldats. Maurice leur fait faire l’exercice sur la place de la petite église., Et les femmes font de la charpie pour les blessés. Des lettres s’échangent entre George Sand et sa fille, entre George Sand et ses petits-neveux., Tout cela s’entre-croise et arrive au petit bonheur.

Nous pouvons juger de cette correspondance par ses épaves.