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qui elle avait chez moi une discussion politique, s’en va ravi de la grâce, de l’esprit, des lumières de Mrs Hamilton ; je m’empresse alors de l’avertir qu’elle est Française de naissance.

Nous gagnons ainsi le samedi 30, en reculant sans cesse la date de notre départ. La hâte que le Palais-Royal a de savoir la Reine à Londres apparaît par une nouvelle visite de M. d’Houdetot et par les conditions qu’il vient offrir. Il suppose la Reine de l’autre côté du détroit ; il imagine qu’elle écrive au Roi une lettre non personnelle et qui puisse être montrée à tout le ministère.

Elle y dirait qu’elle a besoin, pour sa santé, des eaux minérales, et non pas de celles de Plombières qu’elle aurait préférées, mais de celles de Vichy. Ce choix appartient à M. Casimir Perier ; il juge que la Reine est trop connue à Plombières et flaire de ce côté une odeur de bonapartisme. Vichy est près de Randan, qui appartient à la famille d’Orléans. M. d’Houdetot assure qu’on aurait offert ce château à la Reine, s’il avait été meublé plus convenablement.

Elle recevrait, pour se rendre à Vichy, un passeport au nom de la comtesse d’Arenenberg, mais ne quitterait pas Londres avant d’avoir donné à Paris l’avis de son départ ; une note à son sujet serait en temps utile adressée aux journaux. Après sa cure, elle passerait par la capitale, afin de remercier le Roi. Dès la rentrée des Chambres, on la ferait rayer, ainsi que son fils, de la liste de proscription. Le prince entrerait au service, et peut-être par la suite le nommerait-on pair de France, selon que la tranquillité se rétablirait plus ou moins promptement.

Toutes ces propositions de M. d’Houdetot ont été redites mot pour mot au Prince. « Et de quel prix faudra-t-il payer cela, ma mère ? » reprend-il tout à coup. Elle avoue que le nom de Bonaparte porte ombrage à Louis-Philippe et que la condition mise au contrat est l’échange de ce nom contre celui de duc de Saint-Leu.

À ces mots, le Prince se lève de son canapé et marche vivement dans la chambre. « J’aimerais mieux être couché dans le cercueil de mon frère ! » dit-il avec indignation. Il demande qu’on ne l’importune plus de tous ces projets, et, ramassant un numéro de la Tribune qui traîne sur une chaise, affecte de s’absorber dans la lecture de ce journal.

M. d’Houdetot, sa mission une fois remplie, s’abstient d’en