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enchantés de ce qu’ils ont vu. Le sommeil me gagnerait, sans le souci que j’ai de mes devoirs envers la Reine, et, malgré tout le désir que j’aurais de m’étendre sur un canapé, je reste à l’attendre en Cendrillon, assise sur une petite chaise au coin du feu.

A son retour, vers onze heures et demie, je vois tout de suite sur son visage qu’elle a échoué en quelque chose. D’abord sa voiture a eu peine à parvenir jusqu’au guichet du Palais-Royal. Charles, arrêté à chaque pas, a dû demander trois ou quatre permissions avant de parvenir à l’antichambre du général d’Houdelot. Là, selon ce que la Reine lui avait dit, il a écrit sur une feuille « qu’une dame désirait parler au général de la part de Mme Lindsay et qu’elle attendait en bas dans sa voiture. » Mme Lindsay est cette jolie châtelaine du Hardt que je vis à Arenenberg peu de jours avant notre départ pour l’Italie ; elle a, selon Mme Parquin, tout crédit sur son cousin. Cependant Charles, après une longue attente, revient bredouille auprès de la Reine. Un domestique lui a sèchement dit que le général est justement sorti en cabriolet.

Malgré cet insuccès, la Reine persévère dans son plan d’atteindre Louis-Philippe précisément par M. d’Houdetot. Elle sait qu’il existe entre l’un et l’autre une amitié étroite, ancienne, et veut s’en faire un chemin pour arriver jusqu’au cœur du Roi. Elle décide que je serai maintenant cette dame anonyme, annoncée par Charles, et non parvenue encore à ses fins ; que j’insisterai par lettre non pour être reçue par le général, mais pour le recevoir chez moi à l’hôtel.

Le dimanche 24, au réveil de la Reine, je vais écrire cette lettre au pied de son lit. Je m’y recommande de Mme Lindsay et de la comtesse Germain, propre sœur du général ; je dis que j’arrive d’Arenenberg, chargée d’une requête que la duchesse de Saint-Leu est dans le cas d’adresser au Roi, que cette affaire touche à des intérêts essentiels ; que, s’il consent à être l’interprète des désirs de la duchesse, je l’invite à me venir voir à l’hôtel entre midi et cinq heures.

La réponse que le général me fait aussitôt tenir est qu’il est disposé à tout ce qui peut m’être agréable ; mais que, devant monter à cheval pour accompagner le Roi, il ne pourra peut-être venir qu’assez tard. Nous restons toute l’après-midi à l’attendre. Une jeune Américaine est morte la veille en couches