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heureuse d’avoir pu faire quelque bien autour d’elle et de se sentir aimée par ceux qui l’avaient connue. Sa situation présente est pire : l’Empereur et le prince Eugène sont morts, Napoléon-Louis n’est plus, une dynastie nouvelle règne à la place de celle qu’elle aurait pu fonder ; mais du moins le souverain de Juillet ne peut-il être un ennemi pour elle et doit-il, pour plus d’un motif, répondre à la confiance qu’elle lui témoigne en venant se présenter à lui.

Dès le temps de la Constituante, Louis-Philippe fut l’ami du père de la Reine, le vicomte de Beauharnais. Pendant les Gent-Jours, sa mère, la duchesse douairière d’Orléans, et sa tante, la duchesse de Bourbon, eurent toutes deux à se louer de la reine Hortense : elle s’entremit auprès de l’Empereur en faveur de ces deux princesses et leur obtint, outre la faculté de rester en France, des pensions fixées à 400 000 livres pour la première, à 200 000 pour la seconde. Sous la Restauration, le Duc d’Orléans se mit par lord Kinnaird en relations avec le prince Eugène.

Sentant vivaces dans l’armée les souvenirs de l’Empire et comprenant que l’absolutisme des Bourbons ne pourrait durer, il offrait de conclure un pacte de garantie mutuelle, selon lequel le prince assurait aux d’Orléans la jouissance de leurs biens et le droit de résider en France, au cas où le parti bonapartiste viendrait à triompher ; le même avantage serait acquis aux Bonaparte, si le Duc d’Orléans était appelé à régner. Dans le même temps, Louis XVIII songeait à rallier à lui le prince Eugène, en lui donnant le titre de connétable, ou plutôt en le lui faisant offrir par l’empereur Alexandre, qui en parla au prince à l’issue du congrès de Vérone. De ces combinaisons fragiles, il ne reste plus aujourd’hui que le souvenir, mais le parti bonapartiste, qu’on rebutait alors, n’a pas cessé d’être respectable et le calcul politique peut se joindre, dans l’esprit de Louis-Philippe, à l’intérêt qu’il doit à la Reine pour l’incliner à faire ce qu’elle attend de lui.

C’est ainsi qu’elle interprète les assurances bienveillantes qu’il donnait pour elle à la grande-duchesse de Bade dans le temps même où la Chambre votait contre les Bonaparte la loi de proscription du 2 septembre dernier. Cependant cette loi, qui couvre son trône encore mal affermi, ne peut être enfreinte sans changer tous ses sentimens à l’égard de la Reine et sans le