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seulement l’histoire de notre France contemporaine, mais encore toute l’histoire européenne, — est susceptible pratiquement de recevoir plusieurs solutions. M. René Bazin l’a bien vu, et son livre nous montre, personnifiées dans ses divers héros, ces principales solutions en présence, et, si l’on peut dire, aux prises.

Il y a d’abord ceux qui, comme M. Joseph Oberlé et sa fille, par lassitude, par ambition, par besoin de « vivre leur vie, » et toute leur vie, cèdent au prestige du vainqueur, et peu à peu, l’habitude et le langage aidant, adoptent ses idées et ses mœurs et se font une âme à son image. Ils n’y parviennent que trop bien du reste ; mais leur existence n’en est pas plus heureuse, car s’ils conquièrent l’approbation protectrice du monde officiel allemand, ils sentent autour d’eux, et parfois même à leur propre foyer, une sorte de mésestime muette qui pèse sur chacun de leurs actes, et dont ils s’irritent d’autant plus vivement qu’ils la souhaiteraient plus illégitime. En Alsace, il en coûte toujours un peu d’être infidèle au passé.

Ce passé, il en est d’autres qui lui demeurent obstinément fidèles : tels sont M. Philippe Oberlé, l’oncle Ulrich, Mme Oberlé, le ménage Bastian et leur fille. La France, elle est pour eux tous « le paradis perdu » d’où l’on a été injustement chassé, et où l’on espère bien rentrer quelque jour. Par opposition à cette Allemagne si dure, si oppressive, si orgueilleuse, si lourdement pédantesque, la France est le pays de la liberté aimable, de la grâce ailée et souriante, de l’idéalisme généreux, de la sainte humanité. D’avoir cessé d’appartenir à cette patrie de leur rêve, il leur en reste une mélancolie ombrageuse et fière qui déteint sur toutes leurs attitudes. Ils subissent, mais ils ne se résignent pas ; ils protestent par leur silence, par leur dignité, par leur

    en France sans payer aucun droit, pendant vingt-cinq ans, sans réciprocité, après quoi la continuation du traité de Francfort ;

    5o « Promesse de la suppression en France du recrutement pendant vingt-cinq ans ;

    6o « Démolition de toutes les forteresses françaises ;

    7o « Remise par la France de 3 millions de fusils, 3 000 canons et 40 000 chevaux ;

    8o « Droits de patente des brevets allemands sans réciprocité, pendant vingt-cinq ans ;

    9o « Abandon par la France de la Russie et de l’Angleterre ;

    10o « Traité d’alliance de vingt-cinq ans avec l’Allemagne. »

    Ces propos ont été démentis. Mais on sait ce que valent la parole et les démentis de l’Allemagne !