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qui voulaient les introduire pour leur propre compte. Abattu ou sur pied, le bétail importé ne figure que pour 226 millions de francs, chiffre peu important, s’il est vrai, comme le disent les statistiques de l’Empire, que les Allemands, à raison de 52 kilos par tête, consomment annuellement, près de 3 milliards et demi de kilos de viande.

L’importation de bétail ne saurait être paralysée par le blocus, parce que les quantités introduites viennent surtout des Pays-Bas, du Danemark ou de la Suisse. À ce propos, il est curieux de signaler le procédé douanier employé par l’Allemagne vis-à-vis de la France, pour surtaxer ses produits sans violer en apparence la lettre du traité de 1871, dicté par elle et où elle avait exigé, en matière commerciale, le traitement réciproque de « la nation la plus favorisée. » Son tarif, en vigueur depuis 1906, est très habilement spécialisé en 946 articles, par le jeu desquels elle arrivait à traiter un pays avec faveur sans que la concession pût être revendiquée par d’autres, parce qu’entre un article français ou un autrichien analogue, on peut trouver des nuances très petites en réalité, mais suffisantes pour appliquer des paragraphes différens. Elle a usé de ce procédé pour des marchandises françaises très diverses, les vins, les chevaux ou les éventails. Pour le bétail bovin, il n’était admis à entrer en Allemagne, à prix réduit, que « s’il a été élevé à une altitude de 300 mètres au-dessus du niveau de la mer, a fait chaque année une saison d’estivage à 800 mètres et à condition d’avoir les extrémités brunes. » Ces conditions que seul remplissait, en fait, le bétail suisse permettaient de frapper les races françaises de droits beaucoup plus élevés.


II

Une nation à qui manquent brusquement trois milliards et demi de denrées, au moment où, loin de pouvoir parer à ce déficit par une distribution et un ménagement adroit de ses ressources sur son territoire elle voit ses communications entravées par la guerre et son sol sur le point d’être foulé par l’ennemi, une telle nation a fort à craindre pour ses vivres, non pas tout de suite, mais au bout de quelques mois. ;

L’arrêt des exportations de matières alimentaires qu’elle faisait en temps normal, ne saurait compenser le déficit des