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s’est chargé d’assurer le « risque de guerre » à nos armateurs, et les Etats-Unis ont imité cet exemple pour leur marine.

Que l’on chiffre la perte résultant pour la flotte allemande de son arrêt total sur le globe, et toutes les pertes consécutives à cet arrêt : celles des chantiers de construction, celles des chemins de fer et de la navigation fluviale qui apportaient ou importaient, de ou vers l’intérieur du pays, les marchandises d’outre-mer : à Hambourg seulement 26 000 péniches jaugeant ensemble 10 millions de tonnes, pendant que 6 autres millions arrivaient par voie ferrée. Aussi les compagnies de navigation étaient-elles prospères ; la plupart avaient récemment augmenté leur capital de 20 et 30 pour 100, — la Hamburg-America de 125 à 150 millions. — Que peuvent valoir ces affaires qu’un simple krach américain, en 1907, suffisait à faire baisser d’un tiers, en ralentissant leur trafic, aujourd’hui que ce trafic est complètement suspendu pour une durée indéfinie, et menace, comme on va le voir, d’être fortement atteint dans l’avenir ?

En effet, la marine allemande paralysée, ce n’est en somme qu’une industrie parmi beaucoup d’autres, ce n’est que Y instrument du transport ; mais ce qui arrête toutes les autres industries, et l’on peut dire la vie nationale elle-même, c’est l’absence subite des marchandises que ces navires apportaient du dehors., Dans les 14 milliards d’importation de l’Allemagne, les « produits fabriqués » n’entrent que pour 2 milliards, tandis que les objets d’alimentation figurent pour 3 milliards 500 millions et les matières premières pour 8 milliards et demi. Beaucoup plus que la France, l’Allemagne vit de l’étranger.

La France, sauf dans les années où sa récolte de froment est déficitaire, vend au dehors presque autant de denrées qu’elle en achète ; et, pour le chapitre des « objets fabriqués, » à peine en exporte-t-elle le double de ce qu’elle introduit. L’Allemagne au contraire vend trois fois et demi plus d’objets fabriqués qu’elle n’en achète, — 7 milliards 350 millions contre 2 milliards, — pour les denrées elle en achète six fois plus qu’elle n’en vend, — 3 milliards et demi contre 600 millions.

A propos de ces derniers chiffres, la question s’est posée de savoir si nos ennemis bloqués auraient chez eux de quoi vivre et combien de temps ? Un de leurs journaux, le Leipsiger Volkszeitung, manifestait, il y a deux ans, des craintes à ce sujet : « Si la guerre éclate et si l’Angleterre, d’accord avec la France,