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LE
BLOCUS ÉCONOMIQUE DE L’ALLEMAGNE

Au temps où la France s’offrait périodiquement des révolutions politiques, peu favorables à sa prospérité matérielle, les étrangers disaient de nous que « les Français peuvent tout supporter, excepté le bien-être. » Avec combien plus de vérité l’histoire appliquera-t-elle cette ironique remarque aux Allemands d’aujourd’hui !

Cette guerre, obstinément attisée à Berlin, saluée au jour de sa déclaration par l’acclamation unanime du Reichstag, n’est-ce pas un exemple saisissant de ce fait, souvent vérifié au cours des siècles, que les peuples obéissent à leurs passions beaucoup plus qu’à leurs intérêts : du point de vue économique, aucune nation d’Europe n’aurait dû être plus intéressée au maintien de la paix que cette Allemagne qui, en mettant le feu à l’Europe, semble s’être acharnée à sa propre ruine.


I

Des quatorze principaux pays du monde, c’est l’Allemagne qui, depuis dix ans, avait le plus grossi le chiffre de ses affaires ; son commerce extérieur, disait un ministre de Guillaume II, dans une statistique triomphale dressée à l’occasion du jubilé des vingt-cinq ans de règne de son maître, « son commerce extérieur a augmenté d’un peu plus de 300 pour 100, alors que celui de l’Amérique augmentait de 275 pour 100, celui de l’Angleterre d’un peu plus de 200 pour 100 et celui de la France d’un peu moins de 200 pour 100. Il égalait en 1888 le commerce extérieur français, il le dépasse aujourd’hui de plus de moitié ;