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La dynastie n’a donc pas à défendre sa domination traditionnelle et son œuvre unitaire : elle n’a qu’à les prolonger, à les maintenir par les moyens qui, depuis quatre siècles, lui ont toujours réussi.

« Aucun de ceux qui ont vu le cortège des peuples autrichiens défiler devant l’Empereur au jubilé de diamant, en juin 1908, ne peut avoir manqué de se rendre compte des immenses trésors de dévouement à la Couronne et à son titulaire qui restent accumulés jusque dans les plus lointains districts des possessions des Habsbourg. Et, pareillement, ceux qui ont traversé la crise de l’annexion bosniaque, durant l’hiver suivant, ne peuvent avoir manqué d’entendre les pulsations régulières et puissantes des cœurs autrichiens, joyeux d’un prétexte même insignifiant de battre orgueilleusement à l’unisson. Les peuples des Habsbourg n’ont pas une sagesse excessive, ni une grande culture, ni plus de sens politique qu’il n’en faut. Mais ils ont en eux, à leurs meilleurs momens, aussi bien dans les défaites que dans les triomphes, un instinct unitaire qui semble s’alimenter aux sources de leur passé commun. » Jubilés d’or ou de diamant, congrès eucharistiques, fêtes à grand orchestre, où souvent l’enthousiasme éclate moins par un besoin spontané des cœurs que par un contentement des yeux et des oreilles ! On dit que le Congrès eucharistique de 1912 coûta près de cinq millions de florins, en transport, logement et entretien dans la capitale des fidèles paroisses amenées des quatre bouts de l’empire.

Et ces jours de foi et d’allégresse peuvent-ils faire préjuger en rien des jours de défaites et de défiance ? Et cet « instinct unitaire, » si puissant sur des peuples « sans grande culture, » ne le cède-t-il pas de jour en jour devant la conscience nationale que, depuis dix ans, une culture intensive éveille chez les Slaves du Nord et chez les Slaves du Sud ? Le livre de M. Steed, — et c’est là peut-être son unique, mais grave défaut, — ne nous dit rien de la vie universitaire et intellectuelle, de la vie nationale et séparatiste qu’ont éveillée et développée dans toute la Slavie austro-hongroise, à Prague comme à Laybach, à Agram comme à Lomberg, les associations privées et les fondations publiques, — rien de ces sociétés de Sokols, dont