Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 24.djvu/172

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Saint-Empire romain germanisé, en remplaçant les hommes-liges de celui-ci par des peuples-liges.

Empire féodal, mais empire familial tout ensemble ; car, des divers moyens d’imposer ou de gagner l’hommage, — conquête, achat, procédure juridique, négociations et marchandages, — le Habsbourg avait choisi d’ordinaire le moins coûteux et le plus sûr : il avait fait entrer dans sa famille, par une suite de mariages, les héritières des différentes couronnes danubiennes et acquis ainsi à ses descendans l’hommage héréditaire de tous ces peuples rivaux ; c’est par d’heureux mariages que l’Autrichien s’était annexé la Bohême, la Moravie, la Hongrie et ses dépendances, tu felix, Austria, nube.

Ainsi, de la fin des Croisades au début de notre Révolution, cette monarchie se constitua et s’étendit presque continûment. Malgré des revers et des rébellions, elle vint à bout de tous les adversaires du dedans et du dehors. Mais à mesure que, sur le Danube moyen, le Habsbourg affermissait sa prise et ses droits, il perdait pied dans le Saint-Empire romain germanique : toujours chef nominal de cet empire de l’Occident, toujours possesseur de fiefs et de propres dans la haute et basse Allemagne, il y voyait diminuer de jour en jour et son pouvoir impérial et ses domaines et ses juridictions. Bon gré mal gré, il devait laisser l’Europe teutonne et latine à d’autres, aux rois de France, d’Espagne et de Prusse, et se lancera corps perdu vers le Levant : de jour en jour, le Drang nach Osten, la descente vers l’Orient danubien et balkanique était assignée à ses ambitions et à ses espoirs.

Notre Révolution ne fit qu’achever ce destin que, dès 1773, un Joseph II envisageait déjà et acceptait d’un cœur content : jetant bas le Saint-Empire germanique, Napoléon fit du même coup surgir un empire autrichien ; le Habsbourg, cessant d’être l’Empereur d’Occident, se proclama empereur d’Autriche et, perdant ses derniers domaines sur le haut Danube et sur le Rhin, il se consacra tout entier à ses peuples et royaumes de l’Est.

Un instant, on put croire que les contre-coups de la Révolution porteraient à cette monarchie, comme à tant d’autres, le heurt fatal : comment cette bâtisse moyenâgeuse, la plus féodale peut-être de toutes les bâtisses européennes, pourrait-elle résister aux secousses et tiraillemens des nationalités, que