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été donné de percevoir aucune raison suffisante qui puisse, en supposant à la dynastie une sagacité moyenne, empêcher la monarchie des Habsbourg de conserver sa place légitime dans la communauté européenne. » Le livre tout entier n’est que le développement de ce double axiome : 1° la monarchie des Habsbourg tient une place légitime, nécessaire, dans la communauté européenne ; 2° il suffit à sa dynastie d’une sagacité moyenne pour conserver longtemps cette place.

Telles sont du moins les deux idées maîtresses qui reparaissent à chaque page et, si l’exposé proprement dit ne comprend que les trois premières parties de l’ouvrage : I. Le Monarque et la Monarchie ; — II. L’État ; — III. Le Peuple, on peut dire que la quatrième, La Politique étrangère, vient comme une vérification tirée de l’expérience la plus récente.

Dans les autres Etats, la politique étrangère est, d’ordinaire, fonction de la politique intérieure : celle-ci, le plus souvent, détermine ou embarrasse celle-là. Dans la monarchie des Habsbourg, la politique étrangère fut toujours la principale raison d’être, la fonction essentielle de l’État : la politique intérieure elle-même n’est qu’une sorte de diplomatie interne entre les races, les castes, les religions ennemies, dont les représentans élus forment autour du souverain moins des parlemens qui légifèrent, que des sortes de congrès, des Délégations, qui négocient tant avec la couronne qu’avec les sujets voisins et rivaux. Il en résulte que la sagacité diplomatique chez les dirigeans est pour cette monarchie la seule condition d’une durée presque indéfinie. Or la sagacité diplomatique n’est point si rare parmi les hommes ni d’acquisition si difficile que le premier venu, dûment lavé et habillé, comme disait Bismarck, ne puisse faire un honnête diplomate : le plus rustique des seigneurs terriens se révèle parfois le plus habile des maquignons., Et il suffit, dans l’Europe actuelle, d’une duplicité moyenne pour devenir ou pour sembler un très grand diplomate : voyez le portrait que M. Steed nous trace du baron d’Aehrenthal !… Pourquoi donc présager la disparition de l’Autriche-Hongrie ?


La nature et l’histoire ont fait à la monarchie des Habsbourg sa place nécessaire, donc légitime. M. Steed énonce cet axiome et n’éprouve aucun besoin de nous le démontrer : j’ai dit qu’il