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M. Henry Wickham Steed a été, durant de longues années, le correspondant ou plutôt l’ambassadeur du Times à Vienne : par ses dépêches et correspondances, il y a si bien rempli son devoir d’informateur quotidien qu’il vient d’être rappelé à Londres pour prendre la direction de la politique étrangère dans le grand journal anglais ; d’ambassadeur à Vienne, le voici promu sous-secrétaire d’État permanent à cet autre Foreign Office. Il a rapporté de son ambassade une Relation dont M. Firmin Roz nous donne la traduction sous le titre : La Monarchie des Habsbourg[1]. C’est vraiment une Relation à la française, écrite par un Anglais qui a fait ses études en France et qui a toujours professé une admiration reconnaissante pour nos maîtres de l’enseignement supérieur.

M. H. W. Steed nous dit en sa Préface : « Nombre d’écrivains étrangers se sont occupés des questions autrichiennes, hongroises et austro-hongroises ; une bonne part de leur travail repose sur la connaissance précise des faits enregistrés, des statistiques, des idiosyncrasies de races et des événemens historiques. » M. Steed connaît aussi bien que personne l’histoire, l’ethnographie, la législation et les finances de l’Etat austro-hongrois ; il sait où l’on peut copier ces belles statistiques, qui donnent confiance à l’œil du lecteur, sans dire grand’chose à son esprit. Mais ce n’est pas un manuel d’histoire, ni de géographie, ni de sociologie, ni d’économique qu’il a voulu faire : « ayant eu l’avantage d’avoir vécu pendant dix années la vie quotidienne du pays et d’avoir dû la contempler en critique, sinon en juge, » il ne nous offre que « les fruits de son expérience personnelle. » C’est une œuvre personnelle qu’il a voulu composer, un tableau d’ensemble, où la réflexion a autant de part que l’expérience, un portrait véridique de cette monarchie des Habsbourg, considérée par lui comme une personne vivante, agissante et durable.

En ce portrait fidèle et pourtant respectueux, la monarchie des Habsbourg n’est ni flattée ni caricaturée. Elle est peinte, d’une main fort experte et d’un œil sympathique, qui voyait les défauts et les tares du modèle, mais qui n’avait aucun parti pris de haine ni de courtisanerie : de-ci, de-là, quelques touches spirituelles, quelque arrangement de parure ou de chevelure

  1. Librairie Armand Colin.