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apparaissent si parfaites, qu’il semble que la moindre addition n’aurait pu qu’on diminuer la beauté.

Si nos tours gothiques sont restées presque toujours inachevées, c’est que le programme de l’église gothique était si colossal que tout un siècle de travaux n’a pas suffi à le réaliser. Il était réservé au XVe et au XVIe siècle d’aborder ce problème des flèches dont le XIIIe siècle ne nous a, pour ainsi dire, laissé aucun modèle.

4° Je noterai enfin les efforts faits pour obtenir une belle composition d’ensemble. Considérons par exemple les trois portes de Paris : elles sont indépendantes les unes des autres, séparées nettement par les puissans contreforts qui, de la base de la façade, s’élèvent jusqu’à son sommet. A Reims, rien ne sépare les trois portes, elles se rapprochent, elles s’unissent intimement, les grandes statues qui les décorent se suivent, comme se donnant la main, et elles font comme une magnifique procession autour de l’église. En parlant de la cathédrale de Paris, on pourrait dire qu’elle a trois portes : à Reims, il serait plus juste de dire qu’il y a un grand portail à trois ouvertures. A remarquer aussi que les deux contreforts terminaux ne sont pas nus comme à Paris, mais se couvrent de statues, s’unissent aux portes de façon à leur donner encore plus d’ampleur et de majesté. Mais surtout nous remarquerons que les portes de Reims ne sont plus basses comme celles de Paris, mais qu’elles grandissent, se dressent de façon à atteindre la rose et à s’unir à elle par le grandiose fronton qui les surmonte. Cette union des portes et des fenêtres fut un des grands désirs du gothique. Nous en avons de très beaux exemples dans les portes des transepts ouverts dans la seconde moitié du XIIIe siècle. Mais sur ce point il était réservé à la fin du XVe siècle de dire le dernier mot dans l’éblouissant portail de la cathédrale de Rouen.

On peut supposer que, dans la façade de Reims, seuls les portails et la grande rose appartiennent au XIIIe siècle. Sur cette question si controversée encore des dates de la cathédrale[1], je me range à l’opinion d’un critique particulièrement compétent, M. Louis Demaison, qui nous dit : « Nous pensons que le portail a été commencé vers 1250 ; Bernard de Soissons

  1. La Cathédrale de Reims, p. 82, vol. in-8, II. Laurens.