Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 23.djvu/388

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

allemand pourra être conclue en son temps ; mais la paix avec le militarisme prussien, — pas de paix avec cette vile tyrannie, si ce n’est dans le tombeau. La paix viendra, suivant les paroles du Roi, quand les fins honorables pour lesquelles nous combattons auront été atteintes. Nous pourrons voir alors une fédération des États chrétiens des Balkans agrandis jusqu’à leurs limites nationales. Nous pourrons voir le territoire de l’Italie correspondre à la population italienne. Nous pourrons voir la France replacée dans le rang qui lui convient en Europe et dans sa juste place. Si ces résultats sont atteints, le million d’hommes que nous préparons n’aura été ni demandé ni donné vainement. »

Nous avons reproduit, en supprimant seulement les liaisons entre elles, les phrases principales de ce discours, — et on nous saura gré de l’avoir fait, — parce qu’il paraît être l’expression vraie de l’opinion anglaise en ce moment. Il ne néglige rien d’important ; il dit tout, même ce qu’il faut penser de ce système d’espionnage qui est une des grandes institutions et un des fondemens de l’Allemagne contemporaine. L’Allemand excelle dans l’espionnage ; il convient à son caractère, et ses officiers ne s’y appliquent pas moins que ses commis voyageurs. L’Angleterre, qui risque peu d’être envahie, y a pourtant été soumise aussi bien que nous. Ces instincts louches de l’Allemand, ces habitudes équivoques, ces pratiques où la mauvaise foi se cache sous une bonhomie apparente méritent d’être médités par ceux qui, après la guerre, parlent déjà de réconciliation. Il y aura quelques obstacles à la réalisation de ce programme. Les cendres de Reims perpétueront le souvenir de la férocité des Allemands, et leur espionnage celui de leur perfidie.

M. Winston Churchill a parlé de la grande bataille qui se poursuit en ce moment : il nous est plus difficile de le faire dans une chronique qui, pour des motifs que nous avons expliqués plusieurs fois, risque toujours de rester en deçà des événemens dans leur marche rapide. Il y a quinze jours, au moment où nous écrivions, nous n’avons pas pu annoncer la victoire que nous remportions sur la Marne et qui était déjà un fait acquis au moment où nous paraissions. La victoire ! Combien ce mot a résonné heureusement à nos oreilles ! Il y a si longtemps que nous ne l’avions pas entendu ! Le général Joffre, qui a donné tant de preuves de modestie, ne pouvait l’avoir prononcé qu’à bon escient. L’armée allemande avait, en effet, reculé devant la nôtre, et notre chaude reconnaissance allait à nos vaillans soldats et aux généraux qui les avaient bien conduits. Nos espérances se réalisaient