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de Noailles donna une fête, fut la première étape, puis Dreux, Laigle, Argentan, Saint-Lô, Carentan. A Valognes, les gardes du corps rendirent leurs étendards. M. de Bressieux, étant de l’escorte avec son escadron de chasseurs à cheval, ne fut délié du service qu’à Cherbourg, où l’embarquement de la famille royale eut lieu le 16 août. Il prit alors le même parti que M. de Chabot, présent comme lui aux adieux royaux, et que tant d’autres gentilshommes légitimistes. Il vint à Rome, et c’est ici que commence le second tome de son roman.

A peine remis de sa première et sanglante aventure, il avait eu à s’entremettre dans un mariage et à y figurer comme témoin. Le matin de la noce, le marié, on ne peut plus mal disposé, souffrait d’un mal de gorge qui traînait depuis plusieurs jours. Son état empira pendant la cérémonie même. Pendant le déjeuner servi ensuite et présidé par les jeunes époux, il fut obligé de quitter la table et de se mettre précipitamment au lit.

M. de Bressieux s’établit au chevet de son ami comme garde-malade et comme frère de charité. Tout son dévouement, celui d’un médecin appelé à la hâte furent impuissans à enrayer les progrès d’un mal qui marchait à pas de géant et à empêcher le dénouement fatal de se produire avant la nuit. On imagine la consternation de cette triste épousée, rejetée dans un nouveau veuvage au seuil même de la chambre nuptiale ; on se représente l’étonnement et l’embarras de ses parens réduits à contremander le bal de noce et à annoncer le deuil de leur fille en congédiant leurs invités. M. de Bressieux s’employa de son mieux à adoucir aux uns et aux autres ces douloureux momens. Il se chargea de tous les détails, resta dans la maison pour rendre les derniers devoirs à son ami et n’en sortit qu’avec le cercueil. Des relations suivies, une intimité fraternelle succédèrent à ces journées d’épreuve. Le cœur de M. Bressieux, bronzé par le remords et durci par les malheurs, semblait fermé pour toujours. Celui de la jeune veuve, ouvert à tous les sentimens tendres, s’attachait chaque jour davantage à cet homme intéressant. Il s’en aperçut, et, n’ayant point l’intention de répondre à cette affection naissante, crut qu’il était de sa délicatesse de s’éloigner. Il n’était pas encore arrivé à Rome, que la jeune femme et sa mère l’y avaient suivi. Cette démarche significative ne laissait à M. de Bressieux d’autre alternative que de