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La jolie figure de cette princesse respire l’intelligence et la bonté. Elle m’a fait le plus aimable accueil, mais elle est d’un embonpoint excessif, ce qui n’est pas fait pour retenir auprès d’elle son volage époux. Des raisons politiques avaient décidé de son mariage, au lendemain de ce traité de Tilsilt qui dressait en Allemagne le nouveau trône westphalien. L’Empereur se montra flatté de la première alliance royale contractée par sa famille. De son côté, le roi Frédéric de Wurtemberg avait désiré cet établissement pour sa fille, dans l’espoir qu’une union intime avec la maison impériale lui procurerait des agrandissemens. Ces raisons ayant cessé d’exister en 1814, il insista pour que la Reine se séparât de son mari ; elle répondit noblement qu’elle resterait épouse et mère, et qu’elle était prête à toutes les douleurs de la pauvreté et de l’exil. Elle ne prévoyait pas encore qu’elle aurait à subir par surcroît des vexations de toutes sortes, tendant à l’amener par la force à ce qu’on n’avait pu lui arracher par la persuasion, qu’elle serait détenue aux châteaux de Goppingen, d’Ellwangen, privée de ses diamans, de sa vaisselle, brisée ou vendue à l’encan et, ce qui pour elle était la plus grande douleur du monde, qu’on essaierait de la séparer de son enfant.

Après l’abdication de Fontainebleau, Jérôme avait pris le chemin de la Suisse. Elle l’y suivait, quand elle fut arrêtée et dévalisée près de Montereau par le marquis de Maudreuil, l’ancien écuyer de sa cour de Cassel. Cette extraordinaire et ténébreuse affaire a fait depuis couler des flots d’encre. De la Suisse, la Reine passa à Trieste, où elle accoucha de Jérôme, son premier-né. Les Cent-Jours replacèrent le Roi à la tête d’un corps d’armée et lui permirent d’attester par une conduite digne d’éloges, à Waterloo, qu’il portait un sincère attachement à Napoléon.

Puis ce fut le retour au Wurtemberg et les persécutions de famille que la reine Catherine supporta si courageusement. C’est sur l’injonction du roi de Wurtemberg et pour obtenir sa liberté qu’elle se laissa affubler du nom de princesse de Montfort et qu’elle amena le roi Jérôme à changer de nom.

Les deux époux menèrent pendant plusieurs années une vie errante à Gratz, à Erlau, à Schönau, puis de nouveau à Trieste. Il n’a pas tenu à la Reine que ses pérégrinations ne