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L’enseignement supérieur n’oublie pas son propre caractère et qu’il ne sacrifie pas l’idéal plus lointain dont il a mission de s’inspirer à une sorte d’utilitarisme où le supérieur s’abaisserait sans profiter beaucoup à l’inférieur. Tel est le problème.


La plus ancienne des universités d’Europe fut celle de Bologne, fondée en 1119, quatre-vingts ans avant celle de Paris. Tout le monde sait comment la première fut surtout une école juridique, tandis que la seconde fut plutôt théologique. Dans la région où elle était établie, celle de Bologne devait se ressentir encore directement de ses origines latines ; — elle fut en effet le siège par excellence du Droit romain, non pas accidentellement retrouvé tout entier, comme on l’a dit, dans des manuscrits égarés de Justinien, mais lentement étudié, lentement expliqué. D’autre part, elle devait facilement étendre ses relations dans les pays germaniques, dont la rapprochaient beaucoup plus que ne l’en séparaient des frontières souvent violées, souvent indécises. Des privilèges leur furent conférés par l’Empire héréditaire. Aussi compta-t-on là jusqu’à 12 000 étudians accourus de toutes les parties du monde connu. Si de pauvres étudians trouvaient le moyen de s’y faire admettre, la grande majorité y était riche ; elle payait elle-même ses professeurs et, à ce titre, revendiquait souvent le droit de les élire elle-même. A certains points de vue, la décadence se fit sentir dès la fin du XIIIe siècle, sans doute, — ceci est à retenir en vue de certains projets tout à fait actuels, — parce que les études y étaient trop spécialisées. Après les gloses très savantes des anciens monumens du Droit romain, on se rabattit sur des gloses de gloses : les minuties se multiplièrent, et la vie scientifique se dessécha.

D’ailleurs, Bologne se créait à elle-même des concurrences dans les universités de Vicence (en 1203), d’Arezzo (en 1215) et dans celle de Padoue (1222) qui, elle, devait durer plus longtemps. Naples eut son tour, grâce à Frédéric II, en 1224 ; mais elle devait plus particulièrement s’ouvrir aux études médicales.) La Toscane suivit ensuite le mouvement, mais elle ne fonda son université de Sienne qu’en 1326 ; et le souffle de la Renaissance fut encore plus lent à s’y faire sentir. Ce fut en 1472 que Laurent de Médicis établit à Pise cette université qui devait