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UN PHILOSOPHE MÉCONNU

MAINE DE BIRAN[1]

« C’est notre maître à tous,  » disait de lui Victor Cousin. « C’est notre Kant,  » déclarait il y a quelque temps M. Lachelier. Et pourtant, malgré ces illustres témoignages, — auxquels il serait Facile d’en joindre d’autres, — près d’un siècle après sa mort, Maine de Biran est encore assez loin d’être connu comme il mériterait de l’être.

La faute en est d’abord à lui-même. Quand il mourut, en 1824, bien qu’il eût, dans sa solitude de Grateloup, noirci beaucoup de papier, il n’avait fait imprimer qu’un Traité de l’influence de l’habitude (1803), un Examen des leçons de philosophie de M. Laromiguière (1817) et une Exposition de la doctrine de Leibniz (1819) : ce dernier écrit n’était d’ailleurs qu’un article composé pour la Biographie Michaud. Avouons qu’il n’y avait pas là de quoi classer le « chevalier » de Biran parmi les « grands philosophes. »

Mais Cousin veillait. Il devait beaucoup à Maine de Biran qui avait encouragé ses débuts, et dont la gloire importait d’ailleurs au succès de l’éclectisme : il s’était offert à classer et

  1. Essai de biographie historique et psychologique : Maine de Biran (1766-1824), par A. de La Valette-Monbrun, 1 vol. in-8, Fontemoing, 1914 ; — Maine de Biran critique et disciple de Pascal, par le même, 1 vol. in-8 ; Alcan, 1914. — Cf. Maine de Biran, par Marius Couailhac (Collection des Grands Philosophes), 1 vol. in-8 ; Alcan, 1905 ; — Victor Delbos, la Personnalité de Maine de Biran et son activité philosophique (Annales de philosophie chrétienne, octobre-novembre 1912).