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si elle avait mis en application sa réforme dès le début de juillet, en se passant du Pape, elle eût certainement obtenu un résultat tout autre. Mais M. Albert-Petit n’a examiné de mon livre que la surface. Il prétend nie réfuter et je suis obligé de constater qu’il n’a même pas fait effort pour me comprendre.

En quelques mots très brefs, il écarte du débat l’affaire d’Avignon. Il remarque que le Pape a condamné la Constitution civile au lendemain du jour où la Constituante retire les troupes françaises d’Avignon, ce qui, dit-il, lui donnait satisfaction. M. Albert-Petit m’a lu avec bien peu d’attention. Je suis obligé de lui rappeler des faits essentiels qu’il suffira d’énumérer. Dès le 22 juin 1790, le nonce demande à Louis XVI de prendre Avignon sous sa sauvegarde, c’est-à-dire de rétablir dans Avignon le pouvoir du Pape. L’affaire d’Avignon lui tenait tellement à cœur que, dans ce bref même du 10 juillet où il avertissait le Roi de refuser sa sanction à la Constitution civile du clergé, il ne pouvait s’empêcher de lui parler en termes amers de la révolte de ses sujets. Il suffit de lire la correspondance de Remis et celle du nonce pour s’apercevoir de la place considérable qu’Avignon a occupée dans les négociations. Le 21 juillet, Remis écrivait que le Pape comptait sur son intervention pour faire rentrer les révoltés dans l’obéissance. Quand le Pape reçoit les premières propositions du Roi relatives au baptême de la Constitution civile, il s’étonne qu’on ne lui parle pas d’Avignon. « Sa Sainteté fut surprise, dit Remis, que le Roy, dans la lettre qu’il écrivit au Pape par le courrier Lépine, ne fit nulle mention d’un objet si intéressant pour le Saint-Siège et si conforme 5 la justice. » Le 16 octobre, le nonce demande au Roi « de concourir aux moyens qui paraîtront les plus convenables pour que l’autorisation du Saint-Siège soit rétablie dans Avignon. » Le 29 octobre, nouvelle requête identique. Quand la Constituante, pour mettre fin aux désordres qui ont éclaté dans la ville révoltée, décide d’y envoyer des troupes, le Pape est outré que ces troupes ne soient pas mises à son service exclusif, mais que leurs chefs aient reçu l’ordre d’agir de concert avec les officiers municipaux, c’est-à-dire avec les rebelles. Le retrait des troupes ne lui donne qu’une satisfaction toute relative, toute morale. Ce qu’il continue à demander c’est une action positive du Gouvernement Français en faveur de son autorité et c’est parce qu’il n’a pas obtenu ce concours, qu’il