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qu’une de nos autres sœurs planétaires soit dans le même cas[1], on serait vraiment fondé à considérer notre sphérule terraquée comme le nombril de l’Univers. Et du coup les hommes cesseraient d’être modestes, ce qui serait un spectacle bien imprévu !

Dans cet ordre d’idées, une découverte des plus importantes a été faite il y a peu d’années : celle de deux grands courans d’étoiles qui se pénètrent étroitement sans se confondre. On croyait, jusque vers l’année 1904, que les mouvemens propres des étoiles se faisaient en moyenne indifféremment dans tous les sens. Cette année-là le professeur Kapteyn, de Groningue, à la suite de mesures minutieuses de nombreux clichés célestes, montra que ce n’était pas le cas, mais que les étoiles se subdivisent en deux groupes qui se traversent et se dirigent vers des points de la sphère céleste séparés d’environ 100°, c’est-à-dire pas tout à fait diamétralement opposés. Dans l’intérieur de chacun des deux courans stellaires, les étoiles ont d’ailleurs des mouvemens individuels dans toutes les directions, mais un mouvement général entraîne leur ensemble dans les directions déterminées par Kapteyn. On peut comparer ces courans à deux jets de gaz qui se croisent, et dans chacun desquels les particules gazeuses ont conservé leurs déplacemens moléculaires dans tous les sens. La découverte de Kapteyn a été confirmée par divers astronomes, Eddington, le professeur Dyson, astronome royal de Grande-Bretagne, d’autres encore. Elle constitue un des faits les plus importans et les plus curieux qui aient été établis en astronomie stellaire ces dernières années.

Schiaparelli a adjoint d’ailleurs aux deux courans de Kapteyn un troisième essaim stellaire, dont le Soleil ferait partie. Lorsqu’une étoile ne présente pas de mouvement propre sensible, on déduit généralement qu’elle est très éloignée ; pour Schiaparelli, cela prouverait seulement qu’elle fait partie du même essaim que le Soleil, dont la translation diffère peu de la sienne.

Deux faits fort curieux ont enfin été récemment ajoutés aux précédens qu’ils complètent… je devrais dire qu’ils compliquent encore, sans, hélas ! les élucider. D’une part, en comparant les mouvemens propres des étoiles à leurs spectres et à leurs températures (on sait qu’il y a des étoiles plus ou moins chaudes, plus ou moins jeunes)[2],

  1. Nous reviendrons quelque jour là-dessus à propos des trop fameux « canaux » de Mars.
  2. Voyez à ce sujet : Les métamorphoses des étoiles et leurs températures, Ch. Nordmann, Revue des Deux Mondes, 1er juin 1910.