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son comté de Dammartin, et son comté de Boulogne, avec Aumale et Mortain : il s’annexera le comté de Guines, voisin : du Boulonnais : il gagnera de plus, de l’autre côté des États de Ferrand, le Vermandois tout entier. Puis viennent des portions de moindre taille. Le commandant des forces anglaises, Guillaume dit Longue-Epée, comte de Salisbury, frère naturel de Jean sans Terre, aura le comté de Dreux : Hugues de Boves, frère complaisant de la maîtresse de Renaud, le Beauvaisis. Deux comtes allemands d’Allemagne s’adjugeront deux régions inattendues. Gérard de Randerath prend le Gâtinais, Conrad de Dortmund, le Vexin. Une liquidation des biens d’église, beaucoup trop copieux en France, assurent les coalisés, satisfera les menus chevaliers. On ne parle pas du Languedoc : le comte de Toulouse, presque indépendant sur la Garonne, s’en chargera volontiers. Restent l’Orléanais et le Berri, qui pourraient, à tout prendre, composer pour le Capétien, s’il survit, quelque piteux royaume de Bourges.

Telles étaient les combinaisons qui se brassaient dans les conseils des alliés vers le début de l’été. Voici ce qui devait déjà se concerter au rendez-vous de Nivelle en Brabant, où l’on s’attendait à apprendre le résultat escompté de la campagne de Jean sans Terre et de sa marche victorieuse de la Loire vers la Seine.

Mais, le 2 juillet, un événement survient qui trouble tant soit peu ces plans. Ce jour-là brusquement, l’armée anglaise de ‘ la Loire s’est dissoute.

Louis, prince héritier de France, parti de Chinon avec des troupes trois fois moindres, l’a bousculée et mise en fuite devant la Roche au Moine. La noblesse poitevine, anxieuse d’un rôle rebelle imprudemment assumé, répugne à livrer combat contre un fils de suzerain légal, qui commande en personne, au nom de son père. Jean sans Terre, déconcerté, plie bagage en désordre et prend la route de La Rochelle. A l’automne, il s’y embarquera pour l’Angleterre. En tout cas, désormais, comme valeur offensive personnelle, il est hors de cause et de jeu.

Ainsi, et dans ces conditions, s’effectue la jonction des alliés à Nivelle. Dans cet instant même, au milieu de juillet, Philippe-Auguste, ayant levé depuis cinq semaines l’oriflamme à Saint-Denis, est cantonné à Péronne. De Nivelle, poussant au Sud vers l’Escaut, les coalisés vont s’établir à Valenciennes. Le heurt