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de cette petite trahison dont je dirai les motifs tout à l’heure.

« L’ancien parti B était sorti de Bizerte le lundi 25 et nous bloquait. Nous en sommes sortis le 26 pour forcer le blocus et montrer une bataille au ministre.

« Auparavant le commandant en chef avait eu une conférence avec nos aviateurs de la Foudre et il leur avait dit, en substance :

« Messieurs, je voudrais des crédits pour l’aviation maritime. Pour cela il faut montrer que vous servez à quelque chose. Demain, quand je vous signalerai d’explorer au large, vous vous arrangerez pour revenir passer au-dessus du Courbet en venant du Nord-Ouest. Vous agiterez au-dessus de nous un petit pavillon qui signifiera : « L’ennemi dans le Nord-Ouest. » — Et nous nous dirigerons vers le Nord-Ouest, où nous retrouverons certainement le parti B, puisqu’il y sera par mes ordres. »

Si les choses se sont, en effet, passées ainsi, ce dont je ne me porte pas garant, la malice est amusante ; elle est d’ailleurs bien innocente et, en tout cas, dénote les meilleures intentions pour l’aviation, sinon une entière confiance dans l’efficacité actuelle de ce moyen d’information. Souhaitons que l’instabilité des choses de la politique n’enlève pas tout intérêt à cette ingénieuse mise en scène et que M. le sénateur Gauthier, — redevenu ministre après un court interrègne, — ait le temps de donner à ses sentimens d’admiration pour les services de nos aviateurs la forme intéressante et précise d’une demande d’augmentation de crédits pour l’exercice 1915[1].

Revenons à notre lettre :

« Ainsi fut fait. La bataille eut lieu dans l’après-midi du 26 après déjeuner. Dirigé immédiatement par le commandant en chef, le parti A prit vigoureusement l’offensive. On fit de ces beaux mouvemens « tout à la fois, » si impressionnans pour les spectateurs, en vue de se rapprocher rapidement de l’adversaire, sur lequel on mettait le cap sans se soucier beaucoup de conserver battante toute son artillerie. Pendant ce temps, la ligne ennemie bien formée nous gardait par son travers, nous accablait de feux et eût peut-être doublé notre tête s’il ne s’était agi de l’escadre du commandant en chef. »

Cette question, fort grave, du rapprochement rapide vaut

  1. Cette demande a, en effet, été annoncée au Sénat au cours de la discussion du budget de 1914. Elle donne pleine satisfaction aux « desiderata » du service de l’aviation et il faut en remercier sincèrement le ministre.