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terminant, elle priait son père de se rappeler « ce que dit l’histoire des princes qui abandonnent leur peuple à l’heure du péril. »

Le soir du 4 septembre, Vimercati vint en larmes lui montrer une lettre du Roi qui disait : « Vous me répondez de ma fille sur votre tête. » Sur ses instances et sur celles de Nigra, elle avait consenti à passer la nuit à l’ambassade d’Italie ; mais, le lendemain matin, elle rentrait au Palais-Royal, y entendait la messe, visitait une dernière fois ses pauvres. Avant de quitter le Palais-Royal, elle fit prier le lieutenant et le capitaine de la garde nationale commandant le poste de monter dans ses appartemens. Elle les reçut avec émotion, leur exprima son regret d’être obligée de quitter Paris et leur tendit la main, désirant une dernière fois, dit-elle, serrer celle de deux soldats français. Ce mouvement de cœur alla au cœur des deux officiers. La princesse sortit du palais au milieu des témoignages d’un respect unanime ; le poste des gardes nationaux avait demandé à la saluer à son passage. Elle le reçut au bas du grand escalier, et se rendit à l’ambassade d’Italie où elle déjeuna, puis, dans la calèche de Nigra, à la gare de Lyon. On la reconnut et on la salua. Le vice-amiral La Roncière lui donnait le bras ; Nigra, Brunet et quelques autres suivaient. Le général de Franconnière, Mlle de Cabrières l’escortèrent jusqu’à la frontière. A la dernière station française, les mécaniciens demandèrent à lui faire leurs adieux. Alors, elle qui ne pleurait pas facilement, éclata en sanglots. A mi-côte du Mont-Cenis, elle trouva son frère le prince Amédée, et, à Turin, le prince Napoléon revenu de Florence. Quand il connut les détails de ce départ, le roi Victor-Emmanuel lui télégraphia : « Je te remercie de ce que tu as fait pour l’honneur de notre maison. »


EMILE OLLIVIER.