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On les a courtoisement invités comme représentant l’ordre auquel appartenait Roger Bacon. Après quelques minutes d’attente, la cérémonie commence : elle sera fort simple également. Montent sur l’estrade et s’assoient dans les fauteuils qui leur tendent les bras le Président du comité-exécutif, sir Archibald Grey, l’orateur public de l’Académie, M. Alfred Godley et le chancelier de l’Université, lord Curzon of Kedleslon. Sir Archibald Grey, qui est vêtu d’une magnifique robe rouge, se lève le premier et, en quelques mots, déclare, au nom du comité, faire remise à l’Université d’Oxford de la statue de Roger Bacon. L’orateur public de l’Académie, — c’est son titre, — se lève et donne lecture d’un assez long discours en latin ad laudem Rogeri Bacon dans une langue très élégante, autant que j’en peux juger, et qui me rappelle les discours que prononçaient jadis nos professeurs à la distribution des prix du Concours Général, avant qu’on n’eût supprimé d’abord le discours latin, puis le Concours lui-même. Enfin, c’est le tour du chancelier.

On m’avait dit qu’il serait revêtu d’un magnifique costume de velours noir avec des broderies d’or. Je m’attendais à être ébloui. Mais il a trouvé sans doute de meilleur goût de revêtir une robe de soie noire avec d’assez belles broderies, noires également. Son discours, d’une élégante bonne grâce, où l’on devine le lettré, contraste par une pointe d’humour avec la solennité du discours latin. Il rapproche, comme il est naturel, le moine Roger Bacon de son illustre homonyme le chancelier François dont la statue, toute voisine, orne également le Muséum, et il fait ressortir combien il est singulier qu’à quatre siècles de distance, ces deux hommes portant le même nom aient posé les principes de la philosophie expérimentale, et tenté de substituer l’observation des faits aux affirmations de la scolastique. Quel dommage que, malgré les recherches généalogiques les plus consciencieuses, il n’ait pas été possible de découvrir entre Roger et François Bacon le plus petit lien de parenté et quel argument les physiologistes qui se piquent de philosophie n’en auraient-ils pas tiré à l’appui des mystérieuses théories de l’atavisme. Mais il a fallu y renoncer et reconnaître que l’auteur du Novum Organum n’était rien à celui de l’Opus majus, dont il est même possible qu’il n’ait jamais lu les œuvres. Lord Curzon le reconnaît, non sans une pointe de malice et le ton général de son discours enlève à la cérémonie ce qu’elle aurait pu avoir d’un