Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/483

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce qui était très louable, et on a attribué à chaque groupe un nombre de commissaires proportionnel à celui de ses membres. Malheureusement, le respect de la proportion s’est arrêté là, au moins dans certains groupes qui, au lieu de représenter proportionnellement les opinions diverses de leurs membres, ont écrasé et annulé la minorité sous la majorité. Tel groupe, qui avait droit à 17 membres, a nommé 17 adversaires de la loi. C’est ainsi que le tour a été joué et que la Commission est devenue l’instrument encombrant et impuissant que nous avons dit. Il aurait été, paraît-il, facile de corriger le mal. D’après le règlement de la Chambre, il suffisait d’une protestation signée de 50 membres pour annuler la première élection et procéder à une seconde qui, faite suivant le mode ordinaire, aurait produit un résultat différent. La protestation a été faite ; elle a réuni facilement les 50 signatures réglementaires ; il ne restait qu’à la remettre entre les mains du président. Pourquoi, par qui a-t-elle été arrêtée en route ? Ce qui est certain, c’est qu’elle l’a été et qu’on a eu là un nouvel et déplorable exemple de l’intrigue audacieuse des uns, de la faiblesse, de la soumission, de la lâcheté des autres. Que peut-on attendre d’une Chambre qui débute ainsi ?

À se tourner du côté du Sénat, la satisfaction n’est pas plus grande. Le Sénat n’est pas moins radical que la Chambre, peut-être même l’est-il davantage, c’est-à-dire avec plus d’esprit de suite ; mais dans l’ordre économique et financier, il s’est montré jusqu’ici presque conservateur et a fourni quelquefois un bel exemple de résistance à des mesures dangereuses pour la fortune et le crédit publics. D’autres fois, à la vérité, comme dans l’affaire du rachat de l’Ouest, il a subi lamentablement la pression ministérielle. C’est une digue submersible que le Sénat, mais enfin, c’était une digue, et quand le flot n’était pas trop élevé ou trop violent, il remplissait son office, La Chambre, sans le dire, comptait même sur lui pour cela. On aurait tort d’y trop compter désormais. Le Sénat vient de voter l’impôt sur le revenu. Il l’a amendé, nous le voulons bien ; il en a atténué certains défauts, mais il ne les a nullement supprimés, ni même foncièrement corrigés : il est difficile, par exemple, de soutenir que le texte auquel il s’est arrêté nous préservera de la déclaration contrôlée. Divers orateurs, à la tête desquels il faut placer l’éloquent et courageux M. Tourom qui a été sur la brèche pendant cette discussion, ont fait la preuve du contraire. Et ce qui a aggravé le cas, en créant le précédent le plus fâcheux, est que cette grande réforme de l’impôt sur le revenu a été incorporée au budget et votée avec lui. Le Sénat d’autrefois, d’il y a