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mais ce dernier a tout fait, après les rigueurs d’autrefois, pour amener l’apaisement d’aujourd’hui. On lui en savait gré à Pest et il y jouissait d’une autorité personnelle que sa bonne grâce, sa bonté, un peu de scepticisme indulgent, venu avant l’âge, avaient développée et consolidée. Les qualités de François-Ferdinand avaient quelque chose de plus tranchant et s’accommodaient moins bien avec celles des Hongrois qui sont un peu du même genre. Le temps, sans doute, aurait arrondi les angles, mais ils étaient jusqu’ici restés très aigus. On prêtait à l’archiduc des intentions politiques qui, si elles s’étaient réalisées, auraient amené dans la constitution austro-hongroise une transformation profonde : du dualisme on serait passé au trialisme et la troisième tête de la monarchie aurait été slave. Du coup, les Magyars auraient perdu l’espèce de souveraineté qu’ils exercent rudement sur les Slaves de la Transleithanie. Si ces projets sont exacts, on se demande comment, dans la pensée de l’archiduc, ils se seraient conciliés avec l’hostilité qu’il éprouvait contre les Serbes. Ceux-ci voyaient en lui un ennemi. Ils lui reprochaient d’avoir contribué, par son action personnelle, à l’annexion à l’Autriche de l’Herzégovine et de la Bosnie, et, par-là, d’avoir mis obstacle au développement ultérieur de leur pays. L’archiduc voulait bien créer une Serbie autrichienne, mais il supportait avec impatience la création, à côté, d’une Serbie indépendante. On pouvait se demander laquelle des deux finirait par absorber l’autre. A tort ou à raison, la Serbie a toujours cru que l’archiduc François-Ferdinand avait été l’inspirateur de la politique autrichienne, qui avait voulu l’étouffer dans ses frontières, l’empêcher d’atteindre la mer, mettre obstacle à son développement territorial et à son expansion commerciale. Qu’y avait-il de vrai en tout cela ? Tout n’était pas faux sans doute. Il est probable que, si l’archiduc François-Ferdinand était devenu empereur, la politique de l’Autriche, déjà si dure contre la Serbie, le serait devenue plus encore, et rien assurément n’était moins désirable.

Quant à l’Italie, ses sentimens à son égard n’ont jamais été bienveillans : à de certains momens même, il n’aurait pas hésité à aller avec elle jusqu’à un conflit. Il en a eu un personnellement avec le comte d’Æhrenthal à ce sujet et on n’a pas oublié dans quelles conditions il s’est produit. Le comte d’Æhrenthal a été le principal artisan de l’annexion de l’Herzégovine et de la Bosnie ; il en a pris la lourde responsabilité devant l’histoire ; mais du moins, en diplomate qu’il était, voulait-il atténuer dans la forme ce que l’acte qu’il venait d’accomplir pouvait avoir d’inquiétant pour les autres, et l’archi-