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avec une voix par tête et une seule, tous les sociétaires, nomme le conseil d’administration et les auditors chargés de vérifier les comptes ; ces réunions, où l’assistance est fort nombreuse, se tiennent en général dans le calme, comme entre gens d’affaires ; il y règne un esprit de business sérieux et pondéré où se révèlent le sens pratique et le sang-froid de l’Anglais moyen. Le directeur salarié est choisi par le conseil d’administration ; c’est lui le vrai gérant ; directeurs et hauts fonctionnaires ont souvent été, dans les anciens temps, en difficulté avec les conseils d’administration, qui ne voulaient leur allouer que des salaires de famine ; quelques expériences malheureuses apprirent aux sociétés que la compétence et l’honorabilité se paient, et il faut reconnaître que les agens supérieurs des coopératives sont maintenant rémunérés convenablement, sinon encore en proportion de ce qu’ils seraient dans le commerce libre. Disons encore que la plupart des sociétés vendent au public, sous cette réserve qu’elles ne distribuent aux acheteurs non sociétaires que la moitié du boni afférent aux achats, l’autre moitié revenant au fonds de réserve ; et, bien que vendant au public, elles échappent à l’impôt sur le revenu, à la condition que leur capital ne soit pas limité, c’est-à-dire que chacun puisse s’affilier à volonté, ce qui est la règle ordinaire des sociétés.

Les sociétés coopératives anglaises offrent à la petite bourgeoisie et à la classe ouvrière la plus grande partie de ce qu’elles consomment : l’acheteur y trouve « à peu près tout ce qui sert à l’homme, de sa naissance à sa mort, depuis la layette jusqu’à la couronne mortuaire, » selon l’expression de M. Gide. Toutes les sociétés vendent l’épicerie, le pain, le charbon, la mercerie, les objets de ménage ; la plupart, la viande, le lait et les comestibles, la chaussure, le vêtement et ses accessoires ; un grand nombre, les meubles, les tissus, les articles de Paris, etc. Quelques-unes ont réussi à établir des restaurans coopératifs, qui fonctionnent dans de bonnes conditions, malgré les difficultés bien connues de cette œuvre très spéciale. Beaucoup construisent des maisons qu’elles louent ou vendent à leurs membres ; il y a peu d’années, il y avait déjà en Angleterre 38 000 maisons bâties par les sociétés, — ou par les sociétaires sur avances fournies par les sociétés, — représentant une valeur de plus de 200 millions de francs. D’autres ont créé des Penny Banks, où elles attirent la petite épargne dont elles font fructifier les dépôts.