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bonis ! » Les attaques contre le « fonds d’éducation » furent constantes et violentes ; Holyoake fut des plus ardens pour sa défense, et il est remarquable que, sur ce point au moins, les « idéalistes » ont en somme eu gain de cause : actuellement, la coopération anglaise réserve dans son budget une somme annuelle d’au moins 1 700 000 francs pour, l’éducation, et un observateur très averti a pu noter que « les sociétés les plus solides sont justement celles qui, depuis leur origine, ont considéré l’éducation comme la fonction supérieure de la coopération. »

Nos coopérateurs « idéalistes » furent moins heureux sur la seconde question, la participation des employés et ouvriers aux « surplus » annuels. Elle ne se posa pas dès le début, mais il fallut bien l’envisager du jour où la société de Rochdale, ayant acheté un moulin, puis deux filatures, un abattoir, une boucherie, etc., se trouva à la tête d’un personnel salarié assez considérable. Ouvriers et employés auraient-ils part au « surplus, » non pas comme consommateurs-sociétaires et à proportion de leur consommation, mais à titre de salariés, à proportion de leur salaire ? Les vieux pionniers en décidèrent ainsi, soutenus par Holyoake et par les socialistes chrétiens. « Tous ceux qui ont eu part à la création de la richesse doivent avoir part à la répartition, » disaient-ils : on reconnaît dans cette formule l’influence oweniste qui est à l’origine de la coopération anglaise. Mais voici qu’en 1862 les nouveaux venus, ayant pour eux le nombre, et peu soucieux de l’idéal primitif, firent supprimer la participation des salariés au « surplus » dans la société de Rochdale, à la profonde humiliation des vieux pionniers que désespérait ce reniement des principes, cet abandon des espérances de la première heure. « Les salariés n’ont droit qu’à leur salaire, » clamaient alors les « réalistes, » et répètent encore aujourd’hui leurs successeurs avec l’appui des socialistes et des Trades Unions. « Ils ne sont que les serviteurs de la communauté. Vous violez les principes mêmes de l’institution coopérative, qui veulent que la coopération soit faite par et pour les consommateurs, en tant que consommateurs, et non pas en tant que travailleurs. Que ferez-vous quand, au lieu d’un surplus, la société enregistrera une perte ? Loin de réformer le régime individualiste et compétitif de l’industrie, vous provoquez un retour en arrière, vous en revenez à l’ère industrielle du travailleur-patron :