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c’est un apport d’une traffîque nouvelle, et un nouveau Francfort, là où l’on accourt, non pour faire du gain, non pour acheter de la marchandise et vendre ou faire eschange des choses caduques, mais pour souffrir, pour perdre, pour changer les choses terrestres aux célestes, et pour, au lieu des trésors du monde, en acquérir de divins et permanens au ciel. »

Tandis que les anciennes familles genevoises donneront généralement à la République ses magistrats, c’est parmi ces familles immigrées, en quête des « trésors du ciel, » que se rencontreront les plus illustres savans de Genève : les Budé, les Casaubon, les Burlamaqui, les Bonnet, les Saussure, les Prévost.

Ces Italiens, ces Français, venus à Genève en quête de ces trésors, conserveront, à travers l’histoire religieuse de Genève, certains traits distincts : les premiers, plus aristocratiques, plus portés vers la spéculation théologique, inclineront parfois vers certains mouvemens de séparatisme religieux ; et parmi les seconds, au contraire, se recruteront souvent, au cours des années, les meneurs politiques qui troubleront la ville. Mais le lien moral qui les unifiait en une Eglise était sans cesse resserré, consolidé par la forte poigne de Calvin, par cette poigne qui créait une unité genevoise, servante de la Trinité divine.

Il fallait qu’une institution existât, pour cimenter cette unité, de génération en génération, pour achever de transformer les Genevois en chrétiens, au sens où l’entendait Calvin, pour achever de transformer en Genevois les chrétiens exotiques qui affluaient à Genève, et pour faire de Genève enfin, un centre de culture, d’où la nouvelle théologie rayonnerait. Cette institution fut le Collège de Calvin et l’Académie de Calvin. Dès 1541, Calvin projetait cette création ; en 1559, il l’organisa définitivement. Il fallait qu’à côté de la cathédrale de Saint-Pierre, sanctuaire de l’âme genevoise, l’esprit genevois se formât et s’entretînt dans un séminaire unique, permanent, dépendant étroitement de l’Église et de l’Etat, ou, pour mieux dire, de l’État-Église et de l’Église-État ; et puisque, à l’abri des remparts de Genève et des armes de Genève, l’Evangile semblait assuré de quelque sécurité, les chaires de l’Académie devaient offrir à tous les chrétiens étrangers qui voudraient ensuite, chacun chez soi, devenir pasteurs, l’interprétation calvinienne de l’Evangile. C’est ainsi que le Collège et l’Académie de Calvin, en même