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l’application studieuse sous les combles du Petit-Luxembourg et l’invocation à Minerve.

Le résultat de ce bel effort fut d’abord un conte en vers assez étendu : Le Rajeunissement inutile.

S’inspirant, non sans grâce ni délicatesse, du mythe de Tithon, cet époux de l’Aurore à qui Jupiter avait concédé l’immortalité, sans lui accorder le bienfait de l’éternelle jeunesse, Moncrif, de sa manière marivaudante un peu mièvre et précieuse, y brodait de suaves embellissemens :


Que j’aime à voir Tithon ! Avec combien de zèle
Il se livre au plaisir qui le rendra fidèle ;
D’un amant délicat, dignes emportemens.
Dans l’espoir d’acquérir une foi plus constante,
Il profite si bien de ces heureux momens
Que de vingt ans il passe jusqu’à trente.
Hé bien, tendres amans, vous voilà rassurés,
Vos cœurs sont pour jamais l’un à l’autre livrés.
Vos vœux sont-ils remplis ?… Hélas ! peuvent-ils l’être ?
D’un bonheur qu’on n’a point goûté
On se prive aisément, mais en est-on le maître,
Lorsqu’on en a senti la volupté ?
Bientôt les craintes disparaissent,
Les désirs plus ardens renaissent ;
Après mille combats, à céder quelquefois
La seule pitié l’autorise,
C’est par excès d’amour qu’à l’ombre de ce bois,
La déesse se rend ; ici c’est par surprise.
L’amour, couvrant leurs yeux de voiles séduisans,
Semble éloigner leur destinée. Tithon, ainsi, dans la même journée,
Se retrouve à quatre-vingts ans.


Dieu, qu’en termes galans ces choses-là sont dites ! Quel admirable sujet d’allégories voluptueuses pour le pinceau joli d’un François Boucher, et comme on comprend que les belles amies du poète se soient pâmées à la fougue héroïque de ce parfait amant, se condamnant ainsi à une vieillesse rapide !

Le Rajeunissement inutile fut suivi d’un petit roman, les Ames Rivales, qui circula manuscrit avant d’être imprimé en 1738.

Curieux pour l’époque, le sujet de cette œuvrette mérite un bref rappel.

Les doctrines philosophiques de l’Inde se répandaient alors