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chargea le publiciste danois, Jules Hansen, esprit très habile et très averti, qui nous avait déjà rendu de réels services, de se rendre à Fredensborg en Danemark où se trouvaient le Tsar et sa famille, Hansen eut soin d’emporter avec lui un aide-mémoire qui résumait sa conversation avec le ministre français, et qui avait pour but de prévenir une intervention brusque et hostile de nos voisins pour sortir d’une situation embarrassée. La Triple Alliance avait, pour l’instant, un grand avantage sur nous, c’est qu’elle était munie d’une convention militaire bien déterminée. « Tout est réglé d’avance, écrivait Hansen. Au moment où l’empereur allemand, chef de la Triple Alliance, donnera l’ordre de mobilisation, on mobilisera aussitôt à Vienne et à Rome. Ce fait seul donnera déjà à nos adversaires une avance de 24 heures sur la France et la Russie, et les trois alliés, qui savent ce qu’ils veulent et où il faut placer leurs armées, pourront frapper un coup décisif, avant que nous soyons en mesure de résister… Pour remédier à cet état de choses, il serait de toute nécessité de conclure au plus vite entre les deux pays une convention militaire dont la stipulation essentielle sera qu’à la première nouvelle de la mobilisation de la Triple Alliance, la France et la Russie mobiliseront immédiatement leurs forces. A côté de cela, une entente doit s’établir entre les états-majors russe et français sur les concentrations et les mouvemens simultanés des corps d’armée selon les éventualités qui peuvent se produire… Notre victoire est probablement à ce prix. » Le 4 septembre, Jules Hansen vit, au chalet de Fredensborg, le prince Obolensky auquel il remit une note de M. de Freycinet. Le prince la porta au Tsar et le lendemain répondit au nom de son souverain : « M. Hansen pourra dire à M. de Freycinet que S. A. l’Empereur a pris sa demande en sérieuse considération et qu’il s’occupera d’y donner suite dès sa rentrée à Saint-Pétersbourg. »

M. Ribot et M. de Mohrenheim étaient d’accord avec M. de Freycinet sur cette question si grave. Ils s’étaient demandé comme lui quel serait le devoir de l’une des deux Puissances contractantes si l’autre était attaquée. Les alliés auraient-ils le temps de se concerter avant d’agir ? N’était-il pas d’une extrême urgence que chacun sût à l’avance ce qu’il aurait à faire, sans qu’il fût nécessaire de recommencer de nouveaux pourparlers ? Il fut donc convenu entre eux que cette question importante