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il fit évacuer les tribunes et apposa les scellés sur la salle des séances (7 h. 30). Jules Favre et Jules Simon le suivirent, apportant la réponse à l’ambassade de Grévy (8 h. 30). Les députés restés dans la salle à manger de la présidence étaient peu nombreux, moins nombreux que l’après-midi. Thiers se chargea d’exécuter l’opération tranchante de la fin. Il s’empara de la présidence, ce qui était une première façon d’indiquer qu’il considérait la Chambre comme n’existant plus, et se plaça à l’extrémité de la longue table recouverte d’un tapis vert ; Jules Favre et Jules Simon s’assirent à l’extrémité en face et la scène commença. Jules Favre engagea la conversation :

« Nous venons vous remercier de la démarche que vos délégués ont faite auprès de nous. Nous en avons été vivement touchés. Nous avons compris qu’elle était inspirée par un sentiment patriotique. Si dans l’assemblée nous différens sur la politique, nous sommes certainement tous d’accord lorsqu’il s’agit de la défense du sol et de la liberté menacée. En ce, moment, il y a des faits accomplis : un gouvernement issu de circonstances que nous n’avons pas pu prévenir, gouvernement dont nous sommes devenus les serviteurs. Nous y avons été entraînés par un mouvement supérieur qui a, je l’avoue, répondu au sentiment intime de moi-même. Je n’ai pas aujourd’hui à m’expliquer sur les fautes de l’Empire. Notre devoir est de défendre Paris et la France. Lorsqu’il s’agit d’un but aussi cher à atteindre, il n’est certes pas indifférent de se rencontrer dans les mêmes sentimens avec le Corps législatif. Du reste, nous ne pouvons rien changer à ce qui vient d’être fait. Si vous voulez bien y donner votre ratification, nous vous en serons reconnaissans. Si, au contraire, vous la refusez, nous respecterons les décisions de votre conscience, mais nous garderons la liberté entière de la nôtre. Voilà ce que je suis chargé de vous dire par le gouvernement provisoire de la République, dont la présidence a été offerte au général Trochu, qui l’a acceptée. Vous connaissez sans doute les autres noms. Notre illustre collègue, qui vous préside, n’en fait pas partie, parce qu’il n’a pas cru pouvoir accepter cette offre. Quant à nous, hommes d’ordre et de liberté, nous avons cru, en acceptant, accomplir une mission patriotique. »

— « Mon cher ancien collègue, répondit Thiers (ce qui était encore une façon de constater le décès du Corps législatif), le