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stellaire est comme raréfié aux pôles de la Voie lactée et tassé suivant celle-ci. Mais supposons que l’on photographie le ciel dans une direction donnée, vers un point de la Voie lactée. Quelle est la distribution des étoiles dans cette direction ? Si cette distribution était uniforme, c’est-à-dire si les étoiles y étaient, en moyenne, aussi nombreuses près de nous que très loin ou aux distances intermédiaires, le calcul montre qu’il devrait y avoir quatre fois plus d’étoiles de 4e grandeur que d’étoiles de 6e, quatre fois plus d’étoiles de 6e grandeur que d’étoiles de 5e,… quatre fois plus d’étoiles de 11e grandeur que d’étoiles de 10e et ainsi de suite. Or le dénombrement des clichés montre qu’il n’y en a guère que trois fois plus environ et non quatre.

Entre les hypothèses qu’on peut faire pour expliquer ce curieux phénomène, il n’y en a que deux qui tiennent debout. La première est que la distribution des étoiles dans l’espace n’est pas uniforme, mais qu’elles sont de moins en moins nombreuses à mesure qu’on s’éloigne du Soleil, qui serait ainsi le centre, ou du moins voisin du centre d’un amas stellaire analogue aux brillans amas d’étoiles fortement condensés que la photographie révèle dans les grandes profondeurs de l’Espace, et dont les amas d’Hercule et des Chiens de chasse sont les plus beaux exemples. Cette hypothèse héliocentrique est flatteuse pour notre amour-propre ; il y a quelques siècles, elle nous eût paru toute naturelle, tant nous étions habitués à nous considérer comme le centre de toute chose. La carte du ciel va-t-elle ranimer notre orgueil que tant de coups ont aplati ? Va-t-elle nous permettre de considérer à nouveau notre système solaire comme le nombril de l’univers stellaire, et celui-ci comme un cadre charmant destiné à circonscrire seulement, comme ferait un médaillon, notre vaniteux égoïsme ? Il se pourrait, et l’étude des mouvemens stellaires nous aidera à voir ce qu’il en faut penser finalement.

Mais dès maintenant le bon sens, à défaut de la modestie, nous incite à examiner une seconde hypothèse qui, elle, ne souffre aucune échappatoire : si l’espace sidéral, si ce que nous appelons le « vide » interstellaire n’est pas complètement et réellement vide, mais contient une sorte de brouillard impalpable et léger, absorbant très légèrement la lumière des étoiles, il s’ensuivra nécessairement qu’elles nous paraîtront se raréfier à mesure qu’on s’éloigne du Soleil. Bien des phénomènes nous obligent à penser que l’espace est en effet plein de poussières errantes, ne fût-ce que la désagrégation des comètes, l’existence des nébuleuses, celle des étoiles filantes. Mais il est autre chose encore qui démontre rigoureusement cette hypothèse : toutes les atmosphères