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en Belgique, Trêves, Huningue ou Fribourg en Allemagne, Pignerol en Piémont, Genève et Neuchâtel en Suisse. La guerre n’empêchait pas la transmission réciproque des correspondances entre les belligérans, et notre bureau de Chambéry, par exemple, passait, « en dépenses, » à l’armée de Catinat les Lettres « pour des officiers ennemis. »

Dans les départemens du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme, possédant ensemble trente-quatre bureaux d’un rendement brut d’un million de francs ; dans l’Alsace, la Lorraine et la Franche-Comté, qui toutes ensemble ne comptaient que dix-neuf bureaux produisant 672 000 francs, les agens de Louvois fonctionnaient seuls, tandis que dans l’Aisne, l’Oise ou les Ardennes, leurs douze bureaux partageaient le service avec la Ferme générale. En outre, pour les frontières maritimes ou pour celles d’Italie et d’Espagne, les lettres étaient centralisées dans dix-huit villes, telles que Rouen, Nantes, Bordeaux, Bayonne, Perpignan, Toulouse, Montpellier, Aix, Lyon, dont la recette montait à 728 000 francs.

Le bureau spécial de Versailles, où aboutissaient toutes les relations de la Cour avec l’étranger, figure modestement pour 31 300 francs de ports ; ce qui ne surprendra guère si l’on songe que, dès ces temps reculés, les plis officiels jouissaient de la franchise diplomatique et que la formule, « pour les expresses affaires de Sa Majesté, » couvrait nombre d’abus aimables qui ont survécu jusqu’à nos jours.


III

En dirons-nous autant de ce qu’on appelait au XVIIe siècle le « Secret de la Poste, » par ironie sans doute ou par antiphrase, puisque cette expression, remplacée sous Louis XV par celle de Cabinet noir, désignait précisément l’ouverture subreptice des lettres privées par le pouvoir public ? Il était d’usage de laisser passer librement, même en temps de guerre, les messagers des souverains ; à plus forte raison en pleine paix, Wallenstein, qui n’avait pas « la manière, » fit-il scandale d’intercepter les dépêches de Suède en Transylvanie. Mais de tout temps et en tous pays, il était défendu aux particuliers d’envoyer sans permission des courriers à l’étranger ou d’en recevoir, et les dépêches du dehors étaient tenues de suivre, en