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Mais, dès le début de la Révolution, les événemens se précipitent plus vite que ne le pensaient leurs initiateurs, et surtout ils changent de caractère. La Révolution ne peut se faire dans le calme et dans la paix, et la France va vivre au milieu des horreurs de la guerre civile et des redoutables dangers de la guerre avec toutes les Puissances de l’Europe. Dès lors, tout ce que les philosophes avaient rêvé, cet âge de bonté et de paix, cet amour universel, tout cela s’efface, tout change, et seul le sentiment de la force va régner en souverain. Aux hommes de la Convention, à Robespierre et à Danton, il faut des peintres comme Lethière et David.

Et l’anarchie survient. La France désorganisée est la proie de tous les ambitieux. La corruption, cette corruption que l’on avait tant reprochée à la monarchie, va reparaître plus forte et plus étendue encore sous le Directoire. Les Boilly et les Dobucourt, nouveaux petits maîtres de fêtes galantes, plus sensuels encore que leurs devanciers, peindront la société où règnent Mme Tallien et Barras,

Cela ne pouvait durer ; il fallait un chef pour tout réorganiser, et la France républicaine le trouva en Napoléon. Avec lui, elle voit renaître l’énergie des grands jours de la Révolution. La guerre continue, mais elle cesse d’être une épouvante. La France ne lutte plus pour son indépendance ; elle ne craint plus pour la sécurité de ses frontières, elle devient conquérante. La guerre qui la ruinait va l’enrichir, c’est l’ère des succès, des triomphes, c’est la joie et l’orgueil revenus au cœur de toute la nation. Gros et Gérard diront la grandeur de l’épopée napoléonienne, et David, toujours sur la brèche, au tableau tragique des Horaces s’apprêtant à mourir pour la patrie, fera succéder les splendeurs de la Remise des Aigles et du Sacre de l’Empereur.

Avec l’Empire d’autres idées encore réapparaissent. Napoléon, dans sa réorganisation de la France, cherche à renouer avec le passé les liens que la Révolution avait trop imprudemment tenté de briser. On ouvre de nouveau ces églises que l’on avait fermées. Prud’hon, dans son Christ et dans sa délicieuse Madone entourée d’anges, commence le premier à reprendre les motifs chrétiens. Après avoir débuté en faisant le portrait de Marat, c’est par celui d’un Pape que David termine sa carrière. Les arts font revivre nos gloires nationales et, après les Brutus et les Marcus Sextus, ils évoqueront un du Guesclin et