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plesse pour s’adapter à une situation nouvelle. Dans sa campagne électorale, il a été un de ces socialistes qui ont amendé le programme de Pau. En ce qui concerne notamment la loi de trois ans, il a dit qu’elle était votée, qu’on ne pouvait songer à la modifier, encore moins à la supprimer tout de suite et qu’il fallait par conséquent l’appliquer. Il ne fermait pas l’avenir à d’autres espérances, mais il se refusait à leur abandonner le présent. Chargé de former un ministère, il a cherché une formule de conciliation qui rendrait sa pensée avec ses hésitations, ses tâtonnemens, ses ménagemens, mais aussi avec une fermeté relative, et voici celle qu’il a trouvée : c’est un morceau très laborieux, très travaillé, tout en nuances, où des idées diverses se font équilibre les unes aux autres. « Le gouvernement affirme son intention d’appliquer avec régularité et loyauté la loi votée par le parlement. Le nouveau Cabinet se propose pourtant de mettre à l’étude les projets concernant la préparation militaire de la jeunesse et la meilleure utilisation de nos réserves. Quand ces projets seront votés et appliqués, quand on aura constaté par l’expérience leur efficacité, si, à ce moment-là, la situation extérieure le permet, on pourra envisager alors une diminution des charges militaires. » Cette rédaction alambiquée, qui avait évidemment pour intention de satisfaire tout le monde, n’a pas atteint son but.

La composition éventuelle du ministère, dont les journaux publiaient la liste au fur et à mesure que les négociations se poursuivaient, n’était d’ailleurs pas faite pour apporter un supplément de clarté. On y voyait figurer côte à côte des hommes politiques dont les uns étaient partisans, les autres adversaires de la loi militaire : et ce n’était pas seulement au sujet de cette loi que les choix de M. Viviani présentaient ces oppositions violentes, car on voyait parmi ses futurs collègues des partisans très ardens de l’impôt sur le revenu tel qu’il a été voté par la Chambre, comme M. Malvy et M. Renoult, et des adversaires non moins résolus de cet impôt, comme M. Jean Dupuy. Il est donc probable que, si l’échec de la combinaison ne s’était pas produit au sujet de la loi militaire, il aurait éclaté au sujet de la loi fiscale, ou d’une autre réforme encore, car la division des idées était partout. L’erreur fondamentale de M. Viviani est d’avoir voulu former un ministère avec des hommes pris dans toutes les nuances de la gauche, dans tous les groupes ou sous-groupes des partis socialiste et radical, sans se préoccuper du passé des personnes et ; de leurs opinions connues. Des précédens que nous avons toujours déplorés pouvaient lui faire croire que ce qui a réussi autre-