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tration préfectorale avait encouragées pendant les élections, en donnant l’estampille officielle aux candidats qui s’y livraient. De l’aveu commun, jamais, depuis l’origine de la troisième République, la situation n’a été plus inquiétante qu’elle ne l’est en ce moment. Le pays commence à en éprouver un véritable malaise, et le mot qui revient dans toutes les conversations est pour demander où nous en sommes et où nous allons. À ces questions les socialistes unifiés et les radicaux socialisans ont une réponse très simple : c’est que, le programme de Pau ayant triomphé aux élections, il n’y a donc qu’à l’appliquer, et ils s’offrent pour cela, ou plutôt ils s’imposent avec l’arrogance des vainqueurs. Mais le sont-ils autant qu’ils le disent ? Les premières manifestations de la Chambre n’ont été nullement conformes à leurs espérances et à leurs prétentions. Elles se sont produites à propos de la formation provisoire du bureau, c’est-à-dire de l’élection du président et des vice-présidens. Sans doute, dans les élections de ce genre, le coefficient personnel joue un rôle important, et il est certain, par exemple, que M. Paul Deschanel, grâce aux sympathies qu’il s’est attachées par son impartialité et sa bonne grâce, a conquis une autorité qui était une force pour sa candidature. Les socialistes unifiés se sont comptés, — pour la forme, — sur le nom de M. Vaillant, sachant très bien la vanité de leur geste et M. Deschanel a été élu à une majorité plus considérable qu’aucun président n’en avait eu depuis longtemps : or M. Deschanel appartient par ses idées à la moyenne du parti républicain, est également éloigné des opinions extrêmes, et son programme est très différent de celui de Pau. Admettons pourtant, si on le veut, que son élection ne prouve rien et que l’homme seul a emporté tous les suffrages : il n’en a pas été de même des vice-présidens. Cette fois, il y a eu bataille : les socialistes et les radicaux unifiés ont eu leurs candidats, MM. Rabier et Augagneur, et toutes leurs forces sont entrées en ligne pour les faire élire. C’était là, on le sentait, on l’avouait, l’épreuve significative. M. Rabier avait pour lui une sorte de possession d’état : il était depuis longtemps vice-président dans les Chambres antérieures, et rien ne semblait pouvoir ébranler sa situation. Quant à M. Augagneur. il avait pour lui sa notoriété tapageuse et l’intransigeance de ses opinions. Ils étaient l’un et l’autre les parfaits représentans et les champions naturels de la concentration à gauche et de la reconstitution du bloc. Cependant ils ont été battus. Telle a été la première manifestation de la Chambre : elle a été une déception pour les socialistes et les radicaux unifiés, et nous espérons bien que ce ne sera pas la dernière. A vouloir imposer dans toute sa