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ces monumens publics, est d’un effet solennel et singulier. L’Hôtel de Ville a été restauré dernièrement dans le style colonial avec des réminiscences mauresques, tandis que la Résidence a conservé presque intact son aspect primitif. Sans particularités notables, l’ensemble en est imposant. La façade extrêmement longue et, à part sa frise crénelée, très simple, prête au bâtiment une certaine grandeur. Semblable jugement ne peut être porté sur l’intérieur. Tout ce qui peut être acquis avec de l’argent a été largement dispensé : meubles sculptés, tentures de soie sont entassés à l’excès. Si l’on a reproché au gouvernement impérial d’avoir trop dépensé pour le luxe, la République est coupable d’une non moins grande prodigalité. La nouvelle salle à manger et le fumoir ont à eux seuls coûté plusieurs milliers d’écus et le service d’argent du Président, commandé à Paris, absorba, à ce que l’on me dit, plusieurs centaines de mille dollars.

Dans les Mercadores, le long des arcades, règne le va-et-vient animé d’un perpétuel bazar. Sous les arches de pierre, des marchands ambulans font un bruyant trafic : jouets de toutes sortes, bonbons, fleurs, parfumerie. Spectacle mouvementé et plein de couleur. La foule joyeuse et agitée se presse et se bouscule du matin au soir. On discute les prix, on admire les étalages, on parle et on rit, uniquement pour passer le temps.

Dans les vingt-quatre heures du jour, tout bon citoyen de la capitale, on pourrait le croire, doit traverser une fois au moins la Plaza de la Constitucion. Le Président comme l’archevêque, le bourgeois comme le ministre y apparaissent. L’un se rend à la cathédrale, l’autre à son palais. Nombreux sont les promeneurs, plus encore ceux qui, sans rien faire, se reposent paresseusement sur des bancs. Pauvres et riches paraissent parfaitement satisfaits quand ils achèvent là le cours de leur journée. Comme elle a commencé avec la messe de la première heure, elle se termine invariablement par la promenade quotidienne du soir.

Le zocalo[1], comme on l’appelle vulgairement, a toujours

  1. Les deux principaux monumens, la pierre zodiacale et la pierre du sacrifice furent trouvés sur la Plaza Mayor ou zocalo. Le colossal cadran solaire de porphyre, qui ressemble à une roue de moulin, pesait à l’origine plus de cinquante tonnes, on se demande par quels moyens mécaniques un bloc de (pareille dimension put être transporté. Quand on pense que les Indiens n’avaient à leur disposition ni bœufs, ni chevaux, le transport dut être effectué, comme c’est l’usage en Chine, au moyen d’un habile entrelacement de cordages. — Au point de vue scientifique, cette pierre est d’un haut intérêt. Le disque, mesurant douze mètres de diamètre, représente le soleil sous la figure d’un dieu aux yeux sauvages, à la langue pendante. Tout autour, en ordre, se suivent les signes du zodiaque. Les mois, les jours et les quatre élémens sont indiqués. Tout l’agencement en est habile, l’ensemble forme une sorte de cadran solaire géant, rappelant ceux des XVe et XVIe siècles fabriqués à Nuremberg et en Italie.