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pittoresques ; leur costume répond au goût national. La jaquette courte et le pantalon en forme d’entonnoir sont ornés de nombreux boutons ; les paremens sont d’un rouge éclatant. Le costume est complété par un énorme chapeau, représentant assez bien un pain de sucre posé sur un large plat.

Lampazo, avec ses quelques milliers d’habitans, est le premier endroit à l’aspect indubitablement colonial, ou plutôt espagnol. Ses maisons recouvertes de couleurs vives ont des toits en forme de terrasses plates. Des coupoles élevées couronnent les églises.

Mon premier arrêt fut Monterey ; son nom lui vient d’un titre de la famille Zuniga, dont un des membres fut le neuvième vice-roi de la Nouvelle-Espagne. La ville doit son importance actuelle aux nombreux habitans venus des Etats-Unis, qui forment la plus grande partie de la population. Dans les rues, on entend autant d’anglais que d’espagnol. La direction des aciéries et des grandes brasseries est entre les mains étrangères et journellement, le nombre des riches mines et des grandes propriétés achetées par des sociétés américaines augmente.

La ville prospère est commerçante. Quoique les nouvelles constructions soient d’un goût douteux et s’allient mal aux anciens bâtimens, l’aspect général est pourtant sympathique. Les quartiers habités par les classes privilégiées ont conservé beaucoup de leur charme d’antan. Ainsi la vieille résidence épiscopale, sur une hauteur près de la porte de la ville, forme un spectacle délicieux, malgré la ruine complète du palais.

Cependant c’est la vue environnante qui exerce le plus grand attrait. Des montagnes aux lignes fantastiques se dressent devant le regard. Leurs sommets sont abrupts et se détachent sur le bleu du ciel comme les dents aiguës d’une scie. Les éruptions volcaniques de jadis ont tout bouleversé et offrent au spectateur une vision étrange : gouffres profonds, cimes altières s’enchevêtrent suivant le hasard d’éboulemens préhistoriques.

La vie, elle aussi, ne manque pas de romanesque dans cette contrée. Les troupes gouvernementales sont en train de chasser les insurgés du général Reyes. La révolution règne de nouveau dans le pays. Dans le Sud, un certain Zapata est à la tête des révoltés ; à l’Est, ils suivent Orizco, tandis qu’ici, c’est l’ancien ministre mécontent, le général Reyes, le chef de l’émeute. Aussi bien, il semble généralement admis que dès qu’un personnage