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réseau considérable ; tout récemment, la Banque industrielle de Chine a reçu l’autorisation d’émettre un emprunt pour la construction d’un réseau qui partirait de Yunnan-Fou, prolongerait le chemin de fer qui vient du Tonkin et se dirigerait vers les riches cités commerçantes du Se-tchouen, Souifou, Tchoung-King. Un autre projet franco-belge, pour lequel un emprunt initial a déjà été lancé en Belgique, irait du Kan-Sou rejoindre le port de Haï-tscho, au Sud du Chan-Toung, par le Chen-Si, le Chan-Si et le Honan (1 800 kilomètres).

Ces lignes, et beaucoup d’autres que nous ne nommons pas, seront peut-être un jour les artères vivifiantes par où un sang nouveau circulera jusqu’au fond des provinces les plus reculées de la Chine ; pour le moment, elles témoignent surtout de l’activité de la spéculation internationale qui s’est abattue sur la Chine comme sur une source inépuisable de belles émissions, de riches courtages, de gros dividendes. Tout cet intense mouvement d’affaires explique la politique suivie par les grandes Puissances en Chine. La diplomatie, à la suite des financiers, n’a cherché qu’une chose : l’établissement d’un ordre qui rendit possible les affaires. Quelque idéaliste impénitent, un vieux républicain de 1848, s’il en est encore, aurait peut-être rêvé, pour la France du moins, un rôle plus généreux. Seuls, ou presque seuls, aujourd’hui, en Chine, les missionnaires sont républicains ; ils espèrent tout de la liberté ; les financiers, qui attendent tout de l’autorité, appuient la dictature. Mais cette politique ne va pas sans périls ; sans chicaner sur les procédés un peu trop « ancien régime » de Yuan-Chekai, il faut reconnaître que sa dictature est une transition nécessaire entre l’empire absolutiste des Mandchous et un régime plus libéral, mais encore faut-il préparer cet avenir. Soit que Yuan fonde, sans le nom et sans le titre, une dynastie nouvelle de sang chinois et transmette son pouvoir à ses héritiers, soit qu’au contraire les républicains reprennent le dessus par une révolution analogue à celle de 1911, il faut, dans les deux cas, organiser une Chine nouvelle avec une administration et des finances. L’emprunt international du consortium a servi surtout « à alimenter le gaspillage et à accroître les appétits dans le pays et parmi les étrangers. » Le système des emprunts industriels que l’on paraît préférer aujourd’hui[1] donnerait peut-être de bons résultats, si ces

  1. L’emprunt de 150 millions émis le 7 avril par la Banque industrielle de Chine et qui a provoqué l’interpellation de M. Lefebvre du Prey à la Chambre, le 30 mars, est un de ces emprunts industriels ; il est destiné à faire le port de Pou-Kou et à divers travaux ! M. Doumergue, ministre des Affaires étrangères, avait cru pouvoir écrire, le 12 mars, au directeur de la Banque une lettre où il énumérait les garanties affectées par le gouvernement chinois à cet emprunt. En réponse à l’interpellateur, le ministre allégua pour se couvrir la lettre dont nous avons parlé, écrite par M. Pichon au directeur de la Banque d’Indo-Chine. Il faut remarquer que le cas est tout à fait différent, M. Pichon n’ayant écrit sa lettre que par suite d’une entente internationale, en même temps et dans le même esprit que ses collègues des autres pays intéressés.