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président Wilson avait retiré l’appui officiel aux banques américaines en les invitant à sortir du consortium ; le Président et M. Bryan considéraient comme incompatible avec le programme démocrate de couvrir une politique inspirée par les trusts et les banques. La République des Etats-Unis reconnaissait officiellement, la première, la République chinoise. Mais les Américains s’excluant eux-mêmes du concert financier et politique des Puissances, leurs rivaux japonais comprirent tout le parti qu’ils pouvaient tirer de cette abstention pour le développement de leur influence en Chine, et ils n’en furent que plus résolus à soutenir le président Yuan-Chekai. Les Puissances européennes ne dévièrent pas non plus de la ligne qu’elles avaient adoptée et persistèrent à appuyer Yuan, qu’elles regardaient comme seul capable de maintenir l’ordre, de canaliser la révolution et de permettre l’essor des affaires. Yuan-Chekai ne pouvait l’emporter qu’avec l’appui de l’argent et de la diplomatie des étrangers ; en assurant son triomphe, ils étaient assurés d’avoir en Chine un gouvernement favorable à leurs entreprises et à leurs affaires, et qui aiderait la Chine à se relever, à se réorganiser et à mettre en œuvre ses ressources. A Paris, un groupe de banquiers et d’hommes d’affaires venait précisément de fonder une nouvelle société, la Banque industrielle de Chine, au capital de 45 millions, destinée à organiser l’exploitation financière et industrielle de la Chine et résolue à soutenir la politique de Yuan-Chekai. Le Président provisoire hâta les dernières négociations avec le consortium ; la question de Mongolie fut réglée à la satisfaction de la Russie. Tout fut enfin « bouclé » et, dans la nuit du 26 au 27 avril 4913, le contrat d’emprunt fut signé entre les ministres représentant le Président provisoire et les délégués du consortium. Au dernier moment, le vice-président du Sénat, M. Wang-Tchengting, un chrétien puritain du parti démocrate, obtint de pénétrer dans la maison où étaient échangées les signatures et formula une protestation : le contrat, disait-il, n’avait pas l’approbation du Parlement et la nation chinoise ne pourrait que le considérer comme nul. Le Sénat et la Chambre, quelques jours après, votèrent un ordre du jour dans le même sens. Sun-Yat-Sen adressa aux parlemens européens une protestation qui resta sans effet. Le consortium et Yuan-Chekai étaient les maîtres de la situation. Mais le Chinois, pour ne pas dépendre trop étroitement des banques du