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intéressés pour une si forte part, dépendait du succès de l’emprunt ; on comprend ainsi pourquoi certains établissemens qui ne faisaient pas partie du consortium et qui passaient pour on être les rivaux, s’employaient au succès de l’emprunt. La politique des grandes Puissances en Chine, depuis la révolution, se résume dans l’histoire du consortium et de l’emprunt ; la diplomatie, dans le dénuement où était alors la Chine, ne pouvait agir que par des moyens financiers : il s’est établi entre la diplomatie et la finance une collaboration très étroite.

L’accord des grandes Puissances pour assurer le concours financier indispensable à la Chine ne s’est pas fait sans difficultés. La Russie, au début, refusait de participer à l’opération et demandait à son alliée de s’en abstenir ; elle craignait qu’un gros emprunt ne servit surtout à réorganiser l’armée, à acheter du matériel de guerre et à contrecarrer l’influence russe en Mongolie et celle du Japon en Mandchburie. Les nationalistes républicains demandaient que le Président prît des mesures pour empêcher que les provinces vassales, Mandchourie et Mongolie, ne se détachassent pour tomber en fait sous la dépendance de la Russie et du Japon. M. Kokovtzof préférait à un emprunt fait par le consortium sous le contrôle de la diplomatie, un emprunt moins considérable que les établissemens belges, avec le concours des banques françaises et anglaises de second rang, auraient réalisé. Ce furent les hommes d’Etat japonais qui, avec leur merveilleuse intuition des affaires chinoises, eurent le mérite de comprendre qu’un accord général de toutes les grandes Puissances était la condition indispensable du rétablissement en Chine d’un gouvernement régulier et que l’emprunt était à la fois le signe extérieur de cet accord et la condition de son efficacité. Il fut entendu que l’emprunt serait réduit à vingt-cinq millions de livres sterling (six cent trente et un millions au cours de l’émission) et qu’il serait affecté à des dépenses nettement déterminées qui ne pourraient pas être des dépenses d’armemens, et que la diplomatie exigerait avant tout que satisfaction fût donnée à la Russie dans la question de Mongolie. On ne tarda pas à Pétersbourg à se rendre compte que refuser de prêter au gouvernement de Yuan-Chekai le concours dont il avait besoin pour établir son autorité, c’était risquer de prolonger l’anarchie et que les républicains les plus avancés étaient, en Chine, les plus nationalistes, les plus hostiles aux Russes ; le