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multiples et enchevêtrés créaient une solidarité d’intérêts très étroite et très solide entre la Russie, le Japon, l’Angleterre et la France : alliance anglo-japonaise, alliance franco-russe ; ententes cordiales anglo-française et anglo-russe, accords russo-japonais, accord franco-japonais[1]. La Belgique solidarisait ses intérêts avec ceux de ce puissant groupement. De la triple alliance, au contraire, l’Allemagne seule a en Chine des intérêts considérables ; ses associées, Autriche et Italie, n’y apparaissent qu’au second plan ; les relations de l’Allemagne avec le Japon sont bonnes, mais sans cordialité ni confiance ; en Extrême-Orient, la diplomatie de Guillaume II, hautaine, cassante, faisant à tout propos parade de sa force, n’a pas « la manière ; » dans la crise chinoise, l’Allemagne a défendu ses intérêts ; elle s’est jointe au groupement des grandes Puissances, non sans chercher de temps à autre à y provoquer des fissures. Quant à la Chine, l’accord des grandes Puissances était pour elle, tandis qu’elle achevait l’étrange mue qui allait la transformer en République, une garantie de sécurité ; la guerre civile, si des ambitions étrangères avaient eu intérêt à l’alimenter, aurait pu aboutir à une sécession définitive ; au contraire, toutes les Puissances allaient se trouver d’accord pour prêter au gouvernement chinois l’appui financier nécessaire à l’établissement d’un ordre durable et d’une administration réformatrice. Tous les accords entre les Puissances ayant pour article fondamental l’intégrité du territoire de la Chine, ce principe allait, une fois de plus, exercer son action bienfaisante et pacificatrice.


IV

La République chinoise est née pauvre. Le premier effet de la révolution fut d’arrêter net l’afflux des impôts des provinces vers la capitale. Le gouvernement chinois est un minimum de gouvernement ; il laisse une large autonomie aux provinces, et les vice-rois n’envoient au trésor impérial que ce qui reste après

  1. Accord du 10 juin 1907, signé par M. Pichon et le baron Kurino, qui met fin à la situation délicate créée entre les deux pays par la guerre russo-japonaise. L’accord consacre le statut territorial résultant pour le Japon du traité de Portsmouth et pour la France de sa situation en Indo-Chine ; il met fin aux appréhensions que l’on avait conçues en France pour la sécurité de l’Indo-Chine après les victoires du Japon. A. Tardieu, La France et les Alliances, 3e édition, p. 276.