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centralisé, assurant l’union et l’indivisibilité des dix-huit provinces était indispensable. Il est rare, dans la vie politique, que ceux qui ont été à la peine et au danger soient à l’honneur et au profit. Il serait injuste de méconnaître ce qu’il entre de grandeur morale et de vrai patriotisme dans le désintéressement de Sun-Yat-Sen et de ses amis.


III

Ces grands événemens, qui ont modifié si profondément la physionomie de la vieille Chine, ont diversement affecté les intérêts des grandes Puissances ; celles-ci, à leur tour, ont réagi sur l’histoire intérieure de la nouvelle République. Les destinées de la Révolution chinoise sont étroitement liées à celles des intérêts européens, américains, et japonais.

Deux principes ont depuis longtemps dirigé la politique des étrangers vis-à-vis de la Chine : intégrité territoriale de l’Empire du Milieu, porte ouverte, c’est-à-dire liberté commerciale, libre concurrence pour la mise en valeur des richesses de l’immense pays. Chaque fois que l’ambition imprudente d’une ou plusieurs Puissances a esquissé une politique de partage de la Chine, de Break up of China, des complications, des catastrophes même, s’en sont suivies et ont eu leurs répercussions en Europe. Le principe salutaire de l’intégrité de l’Empire chinois a été posé en 1895, après le traité de Shimonoseki, lorsque la Russie, l’Allemagne et la France s’unirent pour donner au Japon, après ses victoires sur la Chine, le « conseil amical » de renoncer à occuper la péninsule du Liao-toung et Port-Arthur. Le principe était sage et les Puissances qui l’avaient préconisé commençaient à en recueillir les bénéfices sous la forme d’avantages économiques, de concessions de chemins de fer, quand l’Allemagne, saisissant le prétexte de l’assassinat de deux missionnaires dans le Chan-toung, s’empara de la baie de Kiao-tchéou et incita la Russie à occuper Port-Arthur. Cette violation cynique du principe qu’elles avaient soutenu deux ans auparavant eut sans doute des résultats avantageux pour l’Allemagne ; mais elle fut pour la Russie une grande faute dont l’insurrection des Boxeurs, la guerre contre le Japon, avec tous les désastres qu’elle a entraînés, sont les conséquences directes. Cette seule faute fit perdre à la Russie le fruit des patiens efforts d’une diplomatie si experte