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Tout en palabrant, j’ai donné les ordres aux miliciens ; ils sont cachés derrière les broussailles qui bordent le petit plateau où j’ai passé la nuit, ils ont mis la baïonnette au canon et ont défense de tirer sans mon ordre. Je me fais désigner Mabiala par l’interprète : c’est celui qui est au milieu du sentier ; il en est sûr, c’est « ce sauvage-là » qui a envoyé le parlementaire. Si nous nous battons, il faut l’abattre le premier. Je prends la carabine de Moussa et je réponds :

— Si Mabiala veut la guerre, il va l’avoir tout de suite. Qu’il vienne ou…

Des coups de fusil me répondent.

J’appuie ma carabine sur un rocher ; pour une fois les poteaux télégraphiques vont être utiles ; il y en a huit entre Mabiala et moi ; le chef est donc à 400 mètres. Je tire, et je commande : « Feu ; à la baïonnette ! »

Mabiala N’Kinké est tombé ; en présence de ce désastre, et devant les baïonnettes, les Bassoundis fuient dans tous les sens ; dix-neuf restent sur le terrain ; j’arrête les miliciens.

La leçon est suffisante ; le chef mort, ses hommes ne renouvelleront pas l’attaque. M. Fredon, que je vais laisser avec ses miliciens, recevra, je l’espère, la soumission des révoltés ; toutefois, celle-ci ne sera complète, et les caravanes n’auront de sécurité, que le jour où Mabiala Minganga sera en notre pouvoir. Où est-il ? Le poste s’emploiera à le découvrir.)


MABIALA MINGANGA

Depuis la mort de Mabiala N’Kinké, la tranquillité règne dans les environs immédiats du poste de Balimoéké. Toutefois, l’action de Mabiala Minganga continue à s’exercer sourdement sur le reste du pays. L’agitation ainsi créée peut, au moindre prétexte, se transformer en révolte. Si Mabiala n’était que chef, il serait moins dangereux, mais il est en même temps grand féticheur ; c’est lui qui est en communication avec les esprits, et, tant qu’il vivra, il terrifiera les populations ; celles-ci le croient invulnérable, gardé par ses fétiches. Malgré la terreur qu’il inspire, M. Fredon a réussi, après un mois de vaines tentatives, à trouver un guide qui consente à nous conduire à la retraite de Mabiala, et Marchand s’est décidé à en finir avec le grand féticheur, à venger enfin la mort de M. Laval el celle de tant de