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J’y suis resté vingt-quatre heures pour attendre le courrier de France annoncé, répondre à une lettre de Marchand et lui envoyer de mes nouvelles. Pendant ce temps, les boats loangos continuaient leur marche et prenaient de l’avance.

Marchand, Germain et Landeroin, l’interprète d’arabe, sont encore à Loango. Mangin, avec Simon, le docteur Emily et 95 tirailleurs, va s’établir entre Comba et Brazzaville, dans le pays où se sont produites les dernières révoltes. Enfin, Largeau est à Brazzaville pour examiner les possibilités de transport sur le Congo. A Loudima est resté le sergent Dat, il doit faire relever les charges abandonnées par les porteurs dans le Mayombe. Ce ne sont pas uniquement les morceaux du vapeur le Jacques-d’Uzès, qui peuplent la forêt, ce sont aussi nos propres charges. Dans une lettre, Marchand me révèle les exploits des Loangos.

Ces exploits résultent à la fois de la révolte qui a fermé la route de Brazzaville et du fameux monopole accordé aux commerçans et aux Loangos. Il serait plus juste de dire qu’ils résultent de toute la situation du Congo.

L’occupation du Congo se réduit à celle du sentier qui relie Loango à Brazzaville. Deux postes, Loudima et Comba jalonnent ce sentier long de 500 kilomètres. Un troisième, Kimbédi, a été fondé il y a deux mois. En dehors de ces postes, tenus par un blanc et quelques miliciens, le reste du Congo est non seulement inoccupé, mais complètement inconnu.

De cette organisation découlent deux impossibilités : celle de recruter des porteurs dans le pays, dont la conséquence directe est le monopole concédé aux Loangos ; et celle d’assurer la sécurité sur la route qui a produit le monopole octroyé aux commerçans. Ceux-ci, en effet, ne pouvant s’établir, sans danger pour eux, dans l’intérieur de la colonie, et se trouvant réduits à un commerce restreint sur la côte, on a voulu leur donner une compensation. Ce double monopole est une des causes des soulèvemens, car interdire aux populations de porter, c’est les inciter à acquérir par le vol ce qu’on ne leur permet pas d’acquérir par le travail. En outre, les postes étant trop faibles pour protéger les porteurs et obliger les indigènes à leur vendre des vivres à un prix raisonnable, les Loangos sont conduits à dérober ce qui est nécessaire à les empêcher de mourir de faim ; et ces larcins amènent des représailles.

Faiblesse des postes et monopole ; qui réagissent ainsi l’un