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Ô Jésus, puissant même par votre seule sagesse ! quel spectacle miraculeux vous présentiez au monde, par cette religion où le langage de la bonté parfaite, ce langage, en apparence sur les limites de la faiblesse, a néanmoins subjugué la terre, résiste encore aujourd’hui aux cris tumultueux de nos hordes féroces, et fera taire ces cris au moment déjà désigné par la Sagesse divine ! Ô notre Seigneur ! quel spectacle miraculeux vous avez offert au monde, lorsque vous prépariez la soumission des esprits et la sainte ardeur de la foi, en prêchant une religion toute de paix et de charité ! Quel spectacle miraculeux vous avez offert au monde, lorsque, sans combat, sans armes, sans pompe et sans char de triomphe, vous avez fait plus que des conquêrans, lorsque des paroles, à jamais remarquables par leur simplicité, ont suffi pour transmettre votre gloire aux âges les plus reculés, et lorsque, loin de tracer votre nom en lettres de sang sur un champ de bataille, vous avez vu venir la mort sans faste, sans murmure, sans vouloir associer personne aux douleurs de votre généreux sacrifice. Ah ! sans doute, entre les diverses paroles de Jésus-Christ avançant vers le terme de sa carrière mortelle, celles-ci retentissent encore dans tous les cœurs sensibles : « Maintenant, disait-il en élevant ses regards vers le ciel ; maintenant mon âme est troublée. Voilà, mon heure est venue. 0 mon père I éloignez, s’il se peut, cette coupe de moi ; mais que votre volonté soit faite et non pas la mienne. » O Jésus, votre âme fut troublée ! Elle le fut à l’approche d’une fin cruelle, et qui devait sceller vos touchantes promesses et vos sublimes instructions. Votre âme fut troublée ! Elle le fut pour la cause des hommes, et c’est pour eux, pour nous, que vous avez souffert. Ah ! pourrons-nous ici rappeler sans émotion les paroles et l’application de notre texte : « Ils m’ont haï sans cause. »

Le morceau se termine par ces considérations sur la mort :

C’est une grande circonstance pour l’homme, que le moment où il voit distinctement les approches de la mort, où nul autre spectacle ne lui offre une distraction, où nulle autre pensée ne l’occupe. Et ce n’est plus alors la mort dont il avait entendu parler du temps de ses forces ; ce n’est plus cette mort fastueuse peinte par les poètes dans nos tragédies, ni cette mort de gloire ou d’ivresse que les cris de guerre et le bruit des tambours accompagnent ; ce n’est plus enfin la mort, lorsqu’elle faisait encore partie du roman de la vie, c’est la mort dans son isolement, la mort au milieu de ses ténèbres, au milieu du silence et de l’oubli ; un adieu terrible à ce qu’on aime, et avec un sentiment profond, une voix qui ne peut rien exprimer, une main qui ne peut plus bénir. O mon Dieu ! faites paraître une lueur consolante au-delà de ce sombre tableau. Est-elle le prix de la foi ? nous la demandons telle qu’il la faut pour vous plaire. Hélas ! il est bien vrai, c’est vous seul que nous devions servir ; mais tant d’objets que vous nous aviez donnés à aimer, tant d’intérêts variés qui nous ont distraits dès nos premiers pas dans le monde, dès les commencemens de notre voyage, et notre raison si faible d’abord, notre raison que l’expérience seule achève d’éclairer… Ah ! pardonnez, ô Dieu ! nous allions nous excuser, nous allions nous défendre, et nous aurons pour juge celui qui sait