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(29 août.) Le général de La Motte-Rouge, troupier aussi simple que brave, accepta de prendre sa succession.

La garde nationale ayant à sa tête un général moins inflexible, les anciens officiers, qui ne se sentaient plus soutenus, annoncèrent qu’ils se rendraient au ministère de l’Intérieur en corps pour déclarer que, ne voulant pas paraître moins investis de la confiance publique que leurs collègues élus, ils apportaient leur démission. Chevreau mandate général Trochu, on lui montra les conséquences de cette dernière dislocation, et, comme lui seul était encore investi de quelque autorité et que, d’ailleurs, accepter ou refuser les démissions rentrait dans son office, on le pria de les refuser par la raison qu’on ne donne pas sa démission devant l’ennemi. Trochu le promit. Par conséquent, lorsque les officiers se présentent, Chevreau les lui renvoie, leur annonçant que le général repoussera leurs démissions. Quelle n’est pas sa surprise et celle de ses collègues d’apprendre le lendemain que les démissions ont été acceptées ! Chevreau demande avec vivacité à Trochu les motifs de ce revirement. Celui-ci répond tranquillement que le matin il était de son avis, mais que les officiers lui avaient donné de bonnes raisons le soir et qu’il s’y était rangé.

Le lendemain, le gouvernement venait docilement (2 septembre) demander à la Chambre d’ordonner les élections d’officiers même dans les bataillons déjà organisés, consacrant ainsi, par une suprême faiblesse, ce que Glais-Bizoin lui avait demandé pour lui infliger une humiliation. « Sans souci du péril national, pour faire la cour à ces républicains de profession dont il allait avoir besoin[1], » le complaisant Dréolle, toujours prêt à rédiger n’importe quel rapport, sauf à le désavouer ensuite, proposa l’adoption et la motiva ainsi : « Les dangers d’une désorganisation ne sont pas à redouter, et c’est une bonne chose de revenir au principe de l’élection et d’en généraliser l’application. »

Le résultat de ces élections fut tel que les uns l’avaient espéré et les autres craint. Les hommes d’ordre, inconnus à la foule, furent écartés, et les grades furent attribués aux marchands de vin ou à leurs protégés : parmi les élus, on découvrit quelque part un souteneur de filles qu’on dut éliminer[2].

  1. Déposition du colonel Chaper.
  2. Id., Ibid.