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centre et à droite.) « Triste séance, écrivait le président Bonjean ; au fond, c’est toujours la question de déchéance qui se reproduit sous diverses formes. La Gauche ne veut pas sans doute le succès des Prussiens, mais elle ne veut pas non plus que la victoire, qui couronnera les immenses efforts que fait la France, tourne au profit de la dynastie napoléonienne qu’elle veut évidemment renverser. »


VII

Le gouvernement n’en continua pas moins ses avances malheureuses à la Gauche et au Centre gauche. Les amis de Thiers reprochaient aux ministres de ne l’avoir pas appelé dans le Comité de défense de Paris, bien que l’offre formelle lui en eût été faite, on l’a vu le 23 août. Thiers lui-même dit le 26 août : « Si le gouvernement a besoin du dévouement de n’importe lequel d’entre nous, quelque périlleux que ce dévouement puisse être, il sait bien que nous sommes gens d’honneur, et qu’il n’y en a pas un seul d’entre nous qui reculera devant le péril. Quelle que soit la difficulté matérielle ou politique qu’il faille braver, quand le gouvernement nous appellera patriotiquement, nous répondrons patriotiquement aussi. » (Oui, oui, bravo ! )

Le gouvernement ne laissa pas tomber cette parole à terre. Dès le lendemain (27 août), paraissait au Journal officiel un décret qui appelait Thiers au Comité de défense des fortifications en compagnie de trois autres députés, Daru, Dupuy de Lôme, Talhouet. Thiers, cette fois, ne refusa pas, mais c’était de la Chambre seule qu’il voulait tenir son mandat. Dès l’ouverture de la séance, il monta a la tribune et déclara qu’averti par l’Officiel seulement de sa nomination, il ne croyait pas pouvoir accepter une tâche pareille sans une délégation du Corps législatif. « Nous vous demandons tous d’accepter, » dit Thoinnet de la Turmelière. De toutes parts on s’écria : « Oui ! tous ! tous ! c’est le vœu de tout le monde. » — « Je crois devoir constater, dit le président Schneider, que cette manifestation vient de tous les côtés de la Chambre. » Les amis eussent voulu un vote formel. Schneider fit remarquer qu’une acclamation partie de tous les bancs de la Chambre rendait un vote superflu. L’apparence fut sauvée, et Thiers ne parut tenir son mandat que du Corps législatif.